Drissa Modeste Sessouma, espère que les conditions vont continuer à s'améliorer pour les arbitres Burkinabè

Au Burkina Faso, le métier d’arbitre est très loin de nourrir son homme. Si en Europe, les arbitres tutoient par moment les footballeurs sur le plan salarial, sous nos tropiques, ils touchent quasiment des per-diems. Il faut avoir la chance d’être dans l’élite sur le plan international pour récolter de véritables fruits de ce métier.

La plus grosse prime d’arbitre de football, selon le journal français Le Monde provient de la Liga espagnole avec 6.500 euros (4 263 350 FCFA) par match arbitré. Toujours selon le même journal, les arbitres de la Bundesliga, touchent à la fin de chaque match 4000 euros (2623 600 F CFA) et ceux de la ligue 1 française perçoivent par match 1.565 (1026 483 F CFA). Dans la sous-région, selon nos recherches, en Côte d’ivoire, un arbitre qui officie hors de sa zone est payé par match à 120 000 F CFA et s’il est dans sa zone, 65 000 F CFA.

Le Bénin a trouvé la parade en optant de rémunérer mensuellement ses arbitres, selon une décision conjointe du ministère en charge des Sports et de la Fédération béninoise de football. Au Burkina Faso, la saison qui vient de s’écouler dans le Fasofoot a vu un rehaussement de la paie des arbitres. Pourtant, les montants restent encore dérisoires. 22.500 F CFA par match en ligue 1, 15. 000 F CFA en ligue 2 et 7 500F CFA en ligue 3.

Puis, ces rémunérations ne peuvent être régulièrement perçues, étant entendu qu’aucun arbitre ne peut bénéficier d’une programmation à chaque journée. Un calcul rapide permet se faire une idée de ce qu’un officiel de match peut gagner comme émolument à la fin du mois et de la saison sportive. Pour l’une des anciennes gloires de l’arbitrage burkinabè, Lassina Paré, ces rémunérations sont des broutilles, au regard des efforts physiques, financiers et matériels fournis par les arbitres dans l’exercice de leur métier.

En effet, selon l’arbitre international à la retraite, actuellement instructeur technique et chef de service comptabilité du Fonds national pour la promotion du sport et des loisirs (FNPSL) du Ministère des sports, de la jeunesse et de l’emploi (MSJE), en dépit des 90 minutes sur le terrain, les arbitres s’entraînent trois fois par semaine, assistent aux réunions d’analyse de matchs tous les lundis à 18h. A ces contraintes, s’ajoutent des difficultés auxquelles ils font face dans l’accomplissement de leur activité.

« Les arbitres au Faso foot manquent de terrain d’entraînement. Ils s’entraînent actuellement au stade municipal et sont confrontés à un problème d’éclairage. Les entraînements sont dirigés par des instructeurs techniques et physiques qui doivent percevoir du carburant à cet effet et qui ne l’ont pas. Les équipements de travail (drapeaux bip, oreillettes…) sont vétustes.

La sécurité des arbitres n’est pas toujours bien assurée au cours des matchs toutes divisions confondues », déplore Lassina Paré. Même s’il reconnaît que la FBF a fourni des efforts, il y a quelques années en relevant le taux de rémunération des différentes divisions, il trouve tout de même que les émoluments restent encore insignifiants.

La motivation, être arbitre international

Lassina Paré trouve que les émoluments
restent encore insignifiants malgré
qu’ils soient rehaussés par la FBF

Pour Lassina Paré, ce qui lui a permis de s’accrocher dans le métier de juge au football et qui lui a permis d’être performant, est principalement son salaire de fonctionnaire. « L’arbitrage me permettait de pratiquer le sport, d’être en contact avec ma discipline sportive préférée sans oublier que c’est un métier qui socialise l’homme (personnalité, équité, courtoisie, intégrité…) », explique le chef comptable de la direction générale du FNPSL/MSJE.

Selon lui, sur le plan national, le métier ne nourrit pas son homme. C’est à l’international, que les arbitres peuvent être bien payés et pouvoir se réaliser s’ils sont performants. Grâce à ses performances sur le plan international, Lassina paré dit avoir pu réaliser des projets de construction, de logistique et bien d’autres qui lui tenaient à cœur. « Je suis comblé de mon passage à l’arbitrage », se confie-t-il. Lassina Paré a commencé le métier d’arbitre en Avril 1990. Il est devenu international en janvier 1997 et a raccroché en décembre 2009 sur le plan international et sur le plan national en novembre 2012.

En somme, l’enseignant de formation a exercé donc le métier d’arbitrage pendant vingt-deux (22) ans dont douze (12) ans à l’international. Il dit avoir eu l’amour du sifflet après avoir suivi à la télé, un match de Coupe d’Afrique des Nations (CAN) où le malien Sidi Bekaye Magassa a officié. « Il m’a séduit par sa prestation, j’ai décidé de me lancer dans l’arbitrage pour m’identifier à lui », explique-t-il. Il est un enseignant de formation devenu gestionnaire après un passage de trois ans à l’Ecole nationale de l’administration et de la magistrature (ENAM).

Des tas de difficultés, un faible revenu

Drissa Modeste Sessouma, ancien arbitre assistant international et SG de l’Union nationale des arbitres de football du Burkina Faso (UNAF-Burkina), espère que les conditions vont continuer à s’améliorer, pour que des arbitres burkinabè puissent être professionnels dans les années à venir comme cela s’est fait déjà ailleurs. « L’arbitrage ne nourrit pas encore son homme chez nous », regrette aussi l’actuel directeur du département de l’arbitrage du Burkina Faso et 2e vice-président de la Commission centrale des arbitres (CCA).

Pour lui, les difficultés sont nombreuses pour de faibles frais de matchs et de déplacement. A l’en croire, il lui est difficile aujourd’hui de citer une réalisation que l’arbitrage national lui a conféré à 100% en 20 ans de carrière. « Je ne peux vraiment pas dire ce que j’ai pu réaliser avec l’argent de l’arbitrage, car ça venait à compte-gouttes », dit-il. Toutefois, il reconnait que ses ressources ont contribué à différents niveaux de ses réalisations. Pour lui, il faut aller à l’international pour bénéficier de vraies retombées de l’arbitrage. « Les avantages d’être arbitre international sont nombreux.

La chance d’aller connaître d’autres pays à travers les matchs internationaux, connaître d’autres personnes du monde du football et tisser des relations souvent fortes, les formations de haut niveau, la primauté dans les désignations nationales et aussi les retombées pécuniaires importantes lors des matchs ou de compétitions internationales », souligne-t-il.

Juste Ephrem Zio : « vous ne trouverez pas un arbitre au Burkina qui se contente uniquement du sifflet ».

Inspecteur de l’enseignement secondaire, à la direction de l’examen du baccalauréat de la Direction générale des examens et concours (DGEC) du ministère en charge de l’enseignement, Drissa Modeste Sessouma dit être devenu arbitre avec les encouragements de son oncle, Klazanga André Cessouma, ancien arbitre international et actuel membre de la CCA. « Il me parlait des avantages du sport et de l’arbitrage quand j’étais étudiant chez lui. Pour m’inciter à prendre la décision, il me faisait voyager à ses frais lors de certains de ses matchs à l’intérieur du pays.

J’ai même été initié dans ses déplacements, car il y a des fois où des arbitres désignés étaient absents et je les ai remplacés comme bénévole. Finalement, je me suis inscrit à Bobo-Dioulasso le 8 janvier 1999 », informe-t-il. Pour lui, en 20 ans de carrière, il garde en souvenir la passion de prendre des décisions pour départager des challengers dans le respect des lois du jeu.

La forte relation interpersonnelle qui se crée dans le milieu, même en dépit des revers à ce niveau. L’allocation actuelle, même si elle demeure dérisoire est nettement mieux qu’avant, selon Juste Ephrem Zio également arbitre, ancien international. « Nous sommes venus dans le métier trouver que nos ainés percevaient en première division 9 500F CFA ensuite le montant est passé à 12 000F CFA », se rappelle-t-il

25 arbitres retenus pour le projet CAF et FIFA

L’instructeur technique et VAR de la Fédération burkinabè de football, a débuté au sifflet le 1er mai 2000. C’est en prélude à l’organisation des jeux universitaires Ouest-africains par le Burkina Faso en 2003, qu’il a été initié au métier de juge du foot. En effet, en collaboration avec le CENOU (Centre national des œuvres universitaires), la FBF a formé à l’époque, des étudiants pour officier les matchs de ladite compétition.

Au département de la communication à son temps et passionné de football, il s’est enrôlé à cet effet. Juste Ephrem Zio affirme avoir exercé le métier simultanément que celui de journaliste stagiaire aux Editions le Pays. « Vous ne trouverez pas un arbitre au Burkina qui se contente uniquement du sifflet. Il te faut une autre occupation pour vivre », affirme-t-il. Toutefois, il se réjouit du projet de la CAF et de la FIFA à professionnaliser le secteur.

Actuellement, 25 arbitres burkinabè dont 20 hommes et 5 femmes ont été retenus pour le projet. « L’arbitrage pourrait nourrir son homme avec ce projet », se convainc-t-il. Tout comme ses prédécesseurs, Zio est resté dans les sillages du football après avoir raccroché en janvier 2020. Son souhait à présent, c’est de gravir les échelons d’instructeur. Il a été déjà désigné par deux fois, coordonnateur général de compétition de la zone UFOA (U20 garçons et dames).

Pengdwendé Achille OUEDRAOGO

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