Mauvaise préparation et indiscipline ont émaillé la participation des Etalons à la CAN 96.

Le Burkina Faso, qualifié pour la première CAN de son histoire sur la pelouse, en 1996, a connu une 20e édition de la biennale du football africain en Afrique à multiples rebondissements. Entre bagarres, règlements de compte, indiscipline et limogeage du coach en pleine compétition, le Burkina Faso à cette CAN a été un bon synopsis d’un film hollywoodien.

Lors des éliminatoires de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 1996, le Burkina Faso, à travers ses Etalons et contre toute attente, valide son ticket devant le Maroc et l’ogre ivoirien. Tout un peuple salue cette prouesse. Car, la première CAN disputée en 1978 l’a été grâce aux disqualifications de la Côte d’Ivoire et du Mali. L’échéance sud-africaine (l’Afrique du Sud est le pays organisateur) est imminente.

Pour offrir plus de chance à l’équipe nationale, l’Etat burkinabè injecte les moyens dans la préparation. Gaborone, capitale du Botswana, est retenue pour que les joueurs y affûtent leurs armes. Les Etalons sont logés dans un grand hôtel de cette ville. Mais, pour une préparation qui demande plus de concentration et de repos, tout n’a pas été géré selon les règles de l’art. L’une des têtes pesantes de l’équipe à l’époque se rappelle. « La préparation a été bâclée. Nous étions à Gaborone, au Botswana.

Chacun faisait ce qu’il voulait. Il n’y avait pas de rigueur. L’alimentation n’était pas contrôlée. Chacun mangeait comme il voulait. Chacun rentrait dormir quand il voulait. Nous étions dans un hôtel où il y avait un casino. Et après le diner, ceux qui voulaient pouvaient passer leur temps au casino avant de regagner la chambre », raconte Brahima Traoré. Ce manque de concentration cumulé à une préparation bâclée va se ressentir dès leur première rencontre de la compétition. Saboteur envers et contre tous Le 15 janvier 1996, les Etalons entrent en lice pour leur premier match face aux Leone Star de la Sierra Leone.

Un match émaillé par un nombre incalculable d’occasions vendangées par Abdoulaye Aboubacary et ses camarades. Car, après l’ouverture du score matinale (11e) de Gbessay Sesay, les Etalons pouvaient revenir aussi rapidement à la marque si Issouf Traoré, Abdoulaye Aboubacary, Abou Ouattara et Brahima Traoré s’étaient mieux concentrés

Brahima Traoré n’a pas été surpris de leur élimination prématurée à la CAN 96.

chacun sur le geste final. Néanmoins, Abdoulaye Aboubacary (70e) a réussi à réduire le score pour une défaite d’entrée 2-1. La 2e sortie des Etalons tourne à la débâcle. Face à la Zambie, le Burkina est sanctionné 5-1.

Issouf Traoré avait réussi à sauver l’honneur après les réalisations zambiennes de Kenneth Malitoli, Kalusha Bwalya (doublé) et Dennis Lota (doublé). Après cette défaite, les supporters burkinabè à Bloemfontein ont voulu en découdre avec le coach Drissa Traoré Saboteur. Ils s’apprêtaient à le lapider avec leurs tam-tams et autres castagnettes et bâtons. Cet incident a mis la sécurité sud-africaine sur le qui-vive. Ainsi, un hélicoptère a suivi tout le cortège des Burkinabè du stade à leur hôtel.

Après ce match, la tension était bien montée d’un cran dans le camp burkinabè. Saboteur refuse la traditionnelle conférence de presse et accorde un entretien à une chaine algérienne. Il est suspendu pour le dernier match face à l’Algérie. C’est son adjoint Calixte Zagré qui est à la manœuvre. Mais, pour la 3e fois, le baroud d’honneur tourne à une défaite 2-1. Lounici Khaled et Dziri Billel donnent le coup de grâce, contre une réduction du score de Boureima Zongo.

Une délégation divisée

Malgré cette élimination, des acteurs de l’époque avouent avoir vécu une belle expérience. Brahima Traoré pour sa première phase finale de CAN a ressenti beaucoup d’émotions. Un peu plus pour Boureima Zongo, car, l’élimination a atténué sa déception à cause de son but inscrit lors du dernier match. « Ça faisait plaisir car, lors des éliminatoires, je marquais rarement. Et scorer en phase finale reste gravé dans les mémoires », se satisfait-il. Tous pressentaient cette élimination au vu de ce qui s’est passé avant le début de la compétition.

« Ça ne m’a pas étonné que nous rentrons après nos trois matches. Nous n’étions pas dans

Boureima Zongo a révélé que chaque joueur a reçu 500 000 FCFA après la CAN.

les conditions pour faire une bonne CAN. L’ambiance n’était pas bonne pour aller aborder une aussi grande compétition comme la CAN », relève Brahima Traoré. Il a informé que l’équipe était divisée avant de rallier l’Afrique du Sud. Selon lui, le limogeage de Saboteur en pleine compétition n’a pas surpris. « J’ai vu venir le limogeage de Drissa Traoré Saboteur. Il y avait un conflit entre Saboteur et Dr Francis Liliou.

En plus, il y avait aussi un malentendu entre Saboteur et son adjoint Calixte Zagré et encore entre Saboteur et les supporters. Les quelques supporters qui étaient en Afrique du Sud souhaitaient nos défaites. Ils supportaient l’équipe adverse », informe-t-il. Un limogeage du coach qui a un peu touché Boureima Zongo. « Ça a été un moment difficile pour nous. Vous travaillez avec un coach depuis les éliminatoires et on le remercie en pleine phase finale. C’est un peu bouleversant », laissé-t-il entendre.

Les joueurs burkinabè, à l’issue de la CAN, n’ont perçu que 500 000 FCFA chacun. C’est dire, a pesté Boureima Zongo, que ses coéquipiers et lui se sont défoncés en Afrique du Sud, plus par amour du pays et leur passion pour le football. « Les per diem par semaine allaient de 10 000 à 20 000 FCFA. Et quoiqu’éliminés, la CAN 96 nous a permis de préparer celle de 98 chez nous », reconnait l’actuel coach de Rahimo.

Yves OUEDRAOGO

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