Production du coton: le Burkina tente de redorer son blason

La filière coton au Burkina Faso va mal. Autrefois, premier producteur de « l’or blanc » en Afrique de l’Ouest, le pays a dégringolé ces dernières années pour occuper dorénavant le quatrième rang, derrière le Mali, le Bénin et la Côte d’Ivoire. Lentement, la pente est en train d’être remontée mais le chemin semble encore long.

Le Burkina Faso a perdu sa place de leader ouest africain de producteur de coton. Même à l’interne, l’or a ravi la vedette au coton qui est passé au deuxième rang des produits d’exportation du pays. Selon le Programme régional de protection intégrée du cotonnier en Afrique (PR-PICA), la production du coton a connu une baisse drastique au Burkina. Elle est passée de 682 940 tonnes (t) à la campagne 2016-2017 à 613 000 t en 2017-2018. Cette contre-performance s’est davantage aggravée au cours de la campagne 2018-2019 avec seulement 436 000 t enregistrées sur 800 000 t de coton-graine annoncées, soit une chute de près de 30%. A entendre les différents acteurs de la filière, cette tendance baissière des rendements de « l’or blanc » s’explique par plusieurs raisons. Du côté de l’Union nationale des producteurs de coton (UNPCB), les attaques terroristes sont pointées du doigt. En effet, la région de l’Est où intervient la Société cotonnière du Gourma (SOCOMA) fait l’objet d’attaques terroristes récurrentes, obligeant ainsi bon nombre de paysans à abandonner leurs champs. Outre cela, les caprices pluviométriques et la mauvaise qualité des intrants, notamment des engrais, des semences et des pesticides, ont négativement joué sur les rendements. Et pis encore, le boycott de la production du coton par une partie des paysans du Kénédougou, dans l’Ouest du Burkina, s’est invité. Afin d’exiger l’apurement de la dette liée aux intrants fournis par la Société burkinabè des fibres textiles (SOFITEX) au titre de la campagne agricole 2018-2019, des producteurs de Morlaba, Kourouma, N’Dorola, une partie de Samorogouan, etc. ont tourné le dos au coton. L’objectif étant de boycotter, au cours de la même campagne, cette culture de rente et de la remplacer par des céréales comme l’avaient recommandé les gardiens de la tradition. Des sacrifices ont même été faits sur les autels des ancêtres afin de dissuader tout contrevenant. La conséquence est que plus de 200 000 hectares n’auraient pas été ensemencés en cette campagne 2018-2019. La crise de la filière coton a suscité le courroux de certains paysans, militants de l’Organisation démocratique de la jeunesse du Burkina Faso (ODJ), qui, au cours d’un point de presse, en mai 2019 à Ouagadougou, ont fait des propositions visant à relancer la filière. Il s’agit, selon eux, du relèvement du prix d’achat du kilogramme (kg) de coton à 500 F CFA au moins, de la création d’une banque spéciale pour les cotoncultueurs, hors mis la banque agricole, et de la réduction du prix des intrants agricoles, entre autres.

550 000 tonnes de coton attendues

Face à cette situation, les sociétés cotonnières (SOFITEX, SOCOMA et Faso Coton) se sont engagées à apurer les impayés, condition sine qua non pour remobiliser les cotonculteurs. Ainsi, pour subventionner les intrants, l’État a déboursé environ 14 milliards F CFA. Outre l’apurement des impayés, le gouvernement a relevé, pour la campagne 2018-2019, le prix d’achat du kilogramme de coton-graine de 245 à 250 F CFA pour le premier choix et à 265 F CFA pour 2019-2020. Pour cette même campagne, des efforts ont été consentis. La SOFITEX a mobilisé 55 milliards F CFA à cet effet. Malgré tout, la production nationale totale s’est établie à 460 114 t de coton-graine, selon les chiffres de l’Association interprofessionnelle du coton du Burkina (AICB). Ce qui est encore en deçà des attentes. Les conditions climatiques très difficiles enregistrées durant les mois de mai et juin 2019, les inondations, le pourrissement des capsules dû à la poursuite des pluies jusqu’en fin octobre 2019 et la situation sécuritaire à l’Est ont déjoué les prévisions. Pour la campagne 2020-2021, l’AICB prévoit une production minimale d’environ 550 000 t de coton-graine. Un véritable défi, puisque la maladie à coronavirus s’est aussi jointe aux autres facteurs déstabilisateurs de la filière coton. Et le Directeur général (DG) de la SOFITEX, Wilfried Yaméogo, de préciser que les dommages collatéraux engendrés par la COVID-19 sont importants. Toutefois, les initiatives ne cessent de se multiplier pour donner un nouveau souffle à la filière. L’inauguration, en janvier 2020 à Koudougou, d’une usine d’égrenage de coton biologique pouvant transformer 130 tonnes de coton-graine en fibres par jour en est une.

Mady KABRE