Médiation pénale en faveur des enfants en conflit avec la loi : Une alternative à l’emprisonnement des mineurs au Burkina Faso

Le Songpélcé Naba déplore le fait que les médiations sont bénévoles

Pour avoir commis de simples larcins, de nombreux enfants se retrouvent en prison au Burkina Faso, avec les risques de devenir plus dangereux à leur sortie de prison. Face à cet amer constat, les autorités burkinabè ont décidé de rectifier le tir en mettant l’accent sur l’application des mesures non privatives de liberté, parmi lesquelles la médiation pénale à travers la loi de mai 2014, portant protection de l’enfant en conflit avec la loi ou en danger. Malheureusement, la médiation pénale peine à être appliquée sur le terrain pour plusieurs raisons dont entre autres, la méconnaissance de cette mesure par nombre d’acteurs judiciaires ainsi que la population, la distance géographique entre les populations et les juridictions, la peur par les populations de l’autorité judiciaire et le nombre limité de procureurs et de juges des enfants. Pour pallier les insuffisances, l’ONG Terre des hommes Lausanne en collaboration avec le Ministère de la Justice, des Droits humains et de la Promotion civique a initié un projet expérimental d’application de la médiation pénale qui suscite une synergie d’actions entre les procureurs du Faso et huit (08) chefferies traditionnelles dont quatre (04) à Ouagadougou et quatre (04) à Bobo Dioulasso. Ce projet pilote qui a fait ses preuves en 2018, a permis à 252 enfants de recouvrer la liberté dont 100 d’entre eux ont bénéficié d’un accompagnement personnalisé de la part de l’ONG.

Juché sur une vieille moto, H. S. slalome chaque matin entre les véhicules, les piétons et les motocyclistes pour se rendre à son lieu de travail. Casquette bien vissée sur la tête et vêtu d’un tee-shirt rouge avec un jeans gris, cet orphelin de père semble lire désormais l’avenir avec beaucoup d’optimisme. Commerçant de vêtements au marché du secteur n°10 de Ouagadougou communément appelé dix yaar, il a abandonné l’école après l’obtention du certificat d’études primaires (CEP) pour s’adonner au commerce, son gagne-pain quotidien.

En 2017, alors qu’il n’avait que seulement 14 ans, H.S a été interpellé par la police pour une infraction commise dans le cadre de l’exercice de son activité. Les faits, il s’en souvient comme si c’était hier. De ses explications, une cliente est venue acheter des habits avec lui. Elle lui remet un billet de 5000 FCFA, espérant récupérer sa monnaie avant de partir. Contre toute attente, le petit commerçant disparaît avec toute la somme. La victime, ne sachant plus à quel saint se vouer, porte plainte à la police contre lui.

De fil en aiguille, les policiers mettent la main sur lui et le placent en garde-à-vue. Pendant qu’il méditait sur son sort en prison, son dossier est transféré à la médiation pénale à la faveur du lancement de la phase pilote en 2018. La médiation entamée a abouti à un règlement du litige. C’est ainsi que H. S. est sorti de la garde à vue. Cette mesure a également permis de le soustraire des carcans de la justice. Mais la médiation pénale, qu’est-ce que c’est ? Quels en sont les acteurs ?

Quels sont ses avantages ? Selon le magistrat Mathieu Lompo, par ailleurs directeur de la justice juvénile au ministère de la Justice, des Droits humains et de la Promotion civique, la médiation pénale est une mesure extra-judiciaire de règlement à l’amiable de certaines infractions commises par les enfants dont l’âge est compris entre 13 et 17 ans. Elle résulte de l’article 40 de la loi 015-2014, portant protection de l’enfant en conflit avec la loi ou en danger. M. Lompo soutient qu’elle est censée concilier le mineur qui a commis l’infraction avec la victime de l’infraction.

A l’écouter, l’objectif de cette médiation est de faire en sorte que l’enfant ne soit pas en contact avec la justice et par conséquent, qu’il n’aille pas en prison. « En réfléchissant, nous avons pensé que la médiation pénale pourrait résoudre ce problème », indique-t-il. Mieux, poursuit-il, cette médiation vise beaucoup plus la réinsertion de l’enfant que sa punition. « Si l’enfant reconnait les faits de vol à lui reprochés et que les parents de l’enfant décident de réparer le préjudice, si la victime aussi est d’accord pour cette réparation, alors pourquoi envoyer l’enfant en prison ? », s’interroge le magistrat Lompo. A l’issue de la phase pilote, le mécanisme est entré dans sa phase pratique à partir de 2019. Un ouf de soulagement pour ces nombreux enfants en conflit avec la loi qui croupissent en prison. Plusieurs d’entre eux ont recouvré leur liberté grâce à cette mesure.

De la genèse du projet

C’est le cas, par exemple, de A.O, un élève de la classe de 4e à Ouagadougou. Peu prolixe et visiblement timide, cet enfant dit avoir quitté le domicile familial à la suite d’une altercation avec ses parents. A.O se retrouve dans la rue par la force des choses et se fait de nombreux amis. Dans cette jungle où chaque enfant doit lutter pour sa survie, il n’a pas d’autres choix que de se livrer à des activités illicites.

Le magistrat Mathieu Lompo : « Nous trouvons que véritablement c’est quelque chose qui cadre bien avec l’objectif de la justice pour mineurs qui vise la réinsertion des enfants, leur éducation plutôt que leur répression »

Un jour, il participe à un cambriolage qui a mal tourné pour lui. En effet, relate-t-il, les autres membres de la bande ont réussi à s’enfuir, sauf lui. Il échappe de justesse à un lynchage de la foule. Néanmoins, A.O a été conduit au commissariat de police de Ouidi où il est gardé à vue pendant une semaine. Grâce à la médiation pénale, il a recouvré la liberté. Aujourd’hui, il est retourné en famille et semble regretter ses actes. Pour A.O, nul doute que c’est la mauvaise compagnie qui l’a conduit en prison. A.O veut désormais se racheter. Pour ce faire, il a repris le chemin de l’école. H. S. et A.O ne sont que deux cas parmi tant d’autres. A entendre le magistrat Lompo, la loi prévoit que seul le procureur ou le juge des enfants peut décider de la médiation pénale.

Or, ces deux acteurs ne sont pas assez représentatifs du point de vue numérique et géographique. « Le procureur du Faso est déjà occupé par beaucoup d’autres choses quand il s’agit de la juridiction de Ouaga et celle de Bobo. Et c’est dans ces juridictions qu’il y a beaucoup d’enfants, ce qui fait que ceux-ci n’ont pas recours à la médiation pénale », éclaire-t-il. Et de poursuivre : « Le juge des enfants, lui n’est saisi que d’une autre procédure, celle de flagrant délit, de sorte que s’il est déjà saisi d’une autre procédure, c’est difficile de recourir à la médiation parce qu’on n’est plus dans une phase de déjudiciarisation, au contraire le procureur poursuit l’enfant devant le juge des enfants ».

En plus, la médiation pénale n’était pas connue des acteurs aussi bien judiciaires que les populations. Ce sont autant d’obstacles qui ont muri la réflexion et suscité cette synergie d’actions entre des acteurs communautaires (les chefs traditionnels) et les acteurs de la justice officielle (les procureurs). Pour Boubacar Tchiombiano, conseiller technique régional pour le programme accès à la justice en Afrique de l’Ouest de l’ONG Terre des hommes Lausanne, le processus a démarré par un constat selon lequel la médiation pénale ne s’appliquait pas, pourtant prévue par la loi.

Cet état de fait a conduit l’ONG Terre des hommes à s’interroger sur les raisons de la non-application de la médiation pénale. Ces raisons trouvées (voir plus haut), il s’est agi de répondre aux questions suivantes : à partir du moment où les procureurs et juges des enfants ne sont numériquement pas assez représentatifs sur toute l’étendue du territoire, serait-il possible que le procureur ait un relai en milieu communautaire pour jouer le rôle de médiateur ? En d’autres termes, serait-il possible que le procureur donne l’autorisation à un acteur communautaire pour réaliser la médiation pénale ?

Dans l’affirmative, qui pourrait jouer ce rôle en milieu communautaire ? Pour trouver les réponses, le personnel de Terre des hommes a organisé des entretiens auprès des magistrats ( procureurs du Faso, juges des enfants), des chefs traditionnels, des directeur centraux du ministères de la justice, des populations et des enfants.

Les chefs traditionnels, les mieux placés pour conduire les médiations

Tout en souhaitant que le ministère en charge de la justice motive les médiateurs pénaux, Boubacar Tchiombiano de l’ONG Terre des hommes Lausanne, espère également qu’il œuvre pour la réplication de la pratique de la médiation pénale dans les autres juridictions du pays

De ces consultations, il est clairement ressorti que les procureurs peuvent bien déléguer aux chefs traditionnels, le pouvoir de jouer le rôle de médiateurs pénaux parce que ces derniers sont plus représentatifs en termes numériques dans le pays, sont disponibles, plus accessibles et les populations sont plus enclines à orienter leurs litiges vers eux.

Enfin, la procédure chez le chef traditionnel se tient en langue locale que les parties comprennent contrairement à la procédure devant les juridictions. C’est à partir de là, indique Boubacar Tchiombiano, que les acteurs de la justice ont souhaité l’accompagnement de l’ONG Terre des hommes pour expérimenter ce mécanisme mettant en synergie procureurs et chefs traditionnels. Ce que l’ONG Terre des hommes a accepté. Toutefois, pour y arriver, l’ONG a procédé d’abord à l’identification des chefs traditionnels avec lesquels elle compte collaborer dans le cadre de ce projet.

Après cette étape, les chefs retenus ont été formés sur les droits de l’enfant, les principes de la justice pour mineurs et plus spécifiquement sur la conduite de la médiation pénale. Le rôle du chef dans la procédure a également fait l’objet de plusieurs modules de formation. « Quel est le rôle du chef ? Jusqu’où celui-ci peut intervenir ? Quand est-ce qu’il intervient ? Qu’est-ce qu’il faut faire et qu’est-ce qu’il ne faut pas faire ?….

Tout ceci a constitué le panier des modules de formation que nous avons donné aux chefs traditionnels », indique M. Tchiombiano. A la suite de ces formations, l’ONG Terre des hommes a organisé un cadre de concertation entre les chefs traditionnels et les procureurs. Une occasion pour eux d’échanger sur la gestion des cas éligibles à la médiation pénale. De cette rencontre, deux options se sont dégagées. Ainsi, de manière concrète, les procureurs du Faso, une fois qu’un enfant a commis une contravention ou un délit, c’est-à-dire un acte moins grave, et que les conditions de la médiation pénale sont réunies, alors les procureurs réfèrent le cas à un chef traditionnel formé, qui va tenter la médiation entre l’enfant auteur de l’infraction et ses parents d’une part et la victime d’autre part.

Devant ce chef traditionnel médiateur, les deux parties vont échanger pour trouver un terrain d’entente et de réparation du dommage que l’enfant a causé. Si celles-ci parviennent à un accord, alors le chef traditionnel médiateur rend compte au procureur du Faso, qui à son tour s’assure qu’il y a accord et classe le dossier. Le chef traditionnel fera la même chose même si les échanges se sont soldés par un désaccord. Une fois qu’il a rendu compte au procureur du Faso, son rôle s’arrête là, et il revient au procureur de décider de la suite à donner. La deuxième option, c’est que le chef traditionnel peut directement être saisi d’un litige par l’une des parties en milieu communautaire.

Dans ce cas de figure, si c’est un chef qui a été formé sur les questions de médiation, il saisit directement le procureur qui lui donnera l’autorisation de réaliser la médiation selon que les conditions y sont réunies. L’ONG Terre des hommes a également joué un rôle central dans l’élaboration des outils de collecte d’informations sur la médiation pénale. Elle a travaillé avec les procureurs du Faso et les procureurs généraux sur la rédaction de ces documents tels que « le formulaire de désignation du chef traditionnel comme médiateur pénal par le procureur du Faso, le formulaire d’accord et le formulaire de désaccord entre les parties », note M. Tchiombiano.

Toutefois, la médiation pénale est gouvernée par un certain nombre de principes. A en croire le directeur de la justice juvénile, sont exclus des procédures de médiation pénale, les délits commis avec violence, c’est-à-dire avec port d’arme réel ou apparent et les crimes. Aussi fait-il remarquer, les enfants qui ont commis des infractions sous l’emprise des stupéfiants ne sont pas concernés par cette mesure extra-judiciaire. Il faut également préciser que la médiation pénale se tient dans le ressort juridictionnel du lieu de la commission de l’infraction. Et puis, foi de M. Tchiombiano, chacune des parties doit consentir librement pour que le procureur réfère le litige à la médiation pénale.

Dans le cas contraire, la médiation pénale n’est plus possible et il revient au procureur du Faso de décider de la suite. Pour lui, les deux parties peuvent décider de ne pas régler leur litige via ce canal. Comment se tient la médiation pénale devant le chef traditionnel ? Les quatre chefferies coutumières à Ouagadougou impliquées dans ce projet sont la chefferie de Bissighin, celle de Wemtenga, celle de Yagma et enfin celle de Zongo. Chacune a un point focal dédié au projet. Le Songpélcé Naaba, point focal de la chefferie de Zongo et ministre du chef de Zongo organise les audiences dans son palais sis à Ouidi.

Paré de ses habits royaux avec un bonnet rouge bien coiffé sur la tête, le regard vif, le chef est devenu un vieux routinier dans le règlement des conflits. Lorsque le procureur autorise une médiation, informe-t-il, la procédure peut se dérouler en plusieurs étapes. Il signale que ce n’est pas une obligation pour lui de convoquer les deux parties le même jour. La première des choses, de son avis, est que le chef doit écouter la victime, requérir ses avis, ses attentes vis-à-vis de la médiation.

De la même manière, il écoute l’autre partie, c’est-à-dire l’enfant auteur de l’infraction, lui seul d’abord et puis après, ses parents. Dans la mesure du possible, il convoque l’enfant et ses parents pour les entendre ensemble. Pour le Songpélcé Naba, c’est à l’issue de ces différentes auditions qu’il peut convoquer les parties en conflit pour la médiation. Il note également que l’agent social participe à la fois aux auditions et à la médiation, étant entendu que c’est lui qui est censé accompagner les enfants qui sont dans des situations difficiles. « Peut-être que l’enfant n’est pas allé voler ou commettre un délit par choix, ça peut être par nécessité », reconnaît le chef.

Au cours de la médiation, s’il y a un accord, c’est-à-dire si les parents de l’enfant et la victime s’accordent sur le montant du dédommagement, un procès-verbal d’accord est rédigé et signé par le chef et les différentes parties. Le chef notifie cela au procureur et l’affaire est classée. Mais en cas de désaccord, un procès-verbal est rédigé et signé encore par les différentes parties et transmis au procureur. A lui maintenant de décider de la suite. « Les séances de médiation sont des séances restreintes, elles ne sont pas ouvertes au public parce qu’il y a la nécessité de préserver la présomption d’innocence des présumés coupables », souligne le chef traditionnel.

Egalement, il y a la nécessité de son point de vue, de ne pas bafouer les droits de l’enfant en le livrant tout de suite à la stigmatisation. « Même s’il a commis un délit, il faut le protéger du regard de la société, pour éviter qu’il ne soit indexé par les gens qui assistent à l’audience alors que l’enfant va chercher à se racheter après la médiation », relève-t-il. Cependant, le Songpélcé Naba estime qu’il joue le rôle de facilitateur des débats et non pas celui de juge ou de gendarme. A l’entendre, le chef traditionnel préside les audiences mais n’a pas de pouvoir de décision.

C’est justement à ce niveau, dit-il, que la médiation est très intéressante. « Le chef échange avec les différentes parties pour trouver ensemble la solution la mieux appropriée

Rasmata Ouédraogo, la mère de H.S., est heureuse de constater que son fils a changé de comportement grâce à la médiation pénale

dans le cadre du règlement du différend », martèle-t-il. Toutefois, si des engagements sont pris, c’est en ce moment que le chef veille à leur strict respect par chacune des parties. A la fin de chaque médiation réussie, le médiateur formule des conseils à l’enfant.Mais il arrive souvent que la victime décide d’abandonner les charges contre l’auteur du délit lorsqu’elle découvre plus tard que les parents de l’enfant sont dans une situation de précarité. De ces médiations, le chef traditionnel enregistre des succès certes mais aussi des revers.

Il revient sur un cas où la victime n’était pas satisfaite des propositions à lui faites par les parents de l’enfant. Du coup, celle-ci a voulu porter l’affaire en justice. Par la suite, mentionne le chef, elle a renoncé. « Le monsieur a trouvé que ce qui est arrivé à l’enfant d’autrui pouvait arriver aussi à son propre enfant », se souvient-il. Au départ, la médiation pénale était la chasse gardée des deux grandes villes du Burkina que sont Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. Aujourd’hui, il faut désormais compter avec la ville de Fada N’Gourma. Le Songpélcé Naba avoue que la présence des koglwéogo dans la capitale est une donne qui a été prise en compte dans le cadre de la médiation pénale.

Pour ce faire, dévoile-t-il, les « justiciers de la brousse » ont été sensibilisés sur les droits des mineurs. Le message semble bien passé au regard des résultats engrangés. « Quand ils reçoivent ces enfants, ils les transfèrent à la chefferie pour qu’on entame des procédures de médiation », soutient-il.

Prendre en compte les adultes

H.S. et A.O sont ravis de recouvrer la liberté. Rasmata Ouédraogo, mère de H. S., atteste que son fils a véritablement changé de comportement. Selon elle, H. S. a bénéficié de l’appui de l’ONG Terre des hommes Lausanne pour poursuivre ses études mais il a préféré le commerce. « Ils ont payé ses frais de scolarité et ont pris en charge ses frais de soins quand il avait des problèmes d’yeux », souligne-t-elle.

La maman de H.S., veuve de son état, pleure un de ses fils qui a perdu tout dernièrement la vie dans un site minier en Côte d’Ivoire à la suite d’un éboulement. De nos jours, ses espoirs reposent désormais sur H.S. A l’écouter, son enfant semble avoir pris conscience de la situation de sa famille. Avec le soutien de l’ONG, l’activité que mène H.S. commence à porter des fruits. Pour lui, l’activité nourrit son homme car elle lui a permis de s’acheter une moto et de s’occuper de la famille. « Je ne me plains pas beaucoup », lâche-t-il. Il dit encourager les initiateurs de cette mesure à redoubler d’efforts en vue d’aider les jeunes à reconstruire leurs vies.

Après sa garde à vue à la police, H. S. se fend en donneur de leçons. « J’exhorte mes camarades à s’abstenir de tout comportement qui peut les conduire en prison », conseille-t-il. Embouchant la même trompette, A.O semble avoir renoué avec les bonnes habitudes. « La médiation pénale est une bonne initiative parce qu’elle permet à chaque mineur d’éviter la prison. Et en plus, ton casier judiciaire ne sera pas sale, ce qui te permet d’avoir de l’emploi dans la fonction publique », avoue-t-il. C’est pourquoi, il s’est engagé à ne plus récidiver. « Je conseille mes camarades de ne pas voler mais de se nourrir à la sueur de leur front.

H.S. a pris son avenir en main depuis son acquittement

C’est ainsi qu’ils verront la bénédiction de Dieu », admet-il, le ton moralisateur. La médiation pénale est une bonne chose, de l’avis de plusieurs interlocuteurs. M. Boubacar Tchiombiano de l’ONG Terre des hommes est formel : « La réalité est que nous sommes très heureux de voir que depuis que nous avons commencé ce processus, plusieurs enfants ont échappé à la prison par le truchement de la médiation pénale ». Cependant, les difficultés ne manquent pas. Le chef traditionnel pointe du doigt les rendez-vous qui ne sont pas respectés. Il en veut également au fait que c’est un travail bénévole. « Les médiations que nous menons ne sont pas rémunérées et nous n’avons aucun avantage», déplore-t-il. Au-delà, signale-t-il, la médiation est un mécanisme qui prône le vivre-ensemble et le pardon.

« Quand on fait la médiation, c’est pour amener les parties à toujours accepter de vivre ensemble et de toujours accompagner leurs enfants à se départir des formes de délits et de délinquance », conseille-t-il. La médiation pénale telle que pratiquée actuellement se doit d’être renforcée par des lois votées à l’Assemblée nationale. D’où la nécessité de légiférer sur le sujet. « Pour le moment, ce n’est pas un texte qui désigne les chefs traditionnels comme médiateurs pénaux sous l’égide du procureur », affirme le magistrat Mathieu Lompo pour qui, « ce n’est pas contraire fondamentalement à la loi, mais pour être beaucoup plus à l’aise, c’est mieux que cette nouvelle donne soit admise par nos différents textes ».

Boubacar Tchiombiano ajoute que cette loi de 2014 n’a pas désigné le chef traditionnel comme médiateur officiel. « Nous le faisons sur la base d’une circulaire ministérielle qui instruit les procureurs à référer les cas chez le chef traditionnel. La déduction qu’il faut faire c’est que la première perspective c’est de travailler à ce que le texte de loi prenne en compte le chef traditionnel comme un médiateur pénal », suggère-t-il. Le cri du cœur des acteurs chargés de la mise en œuvre de cette médiation pénale est que d’autres partenaires s’impliquent davantage dans le processus.

« Le seul partenaire actif, c’est l’ONG Terre des hommes Lausanne », précise le directeur de la justice juvénile. Boubacar Tchiombiano estime pour sa part que la justice relève du domaine régalien de l’Etat. « Ce serait important que le ministère accorde une certaine priorité à cette médiation en prévoyant une motivation au profit des acteurs impliqués (chefs traditionnels, travailleurs sociaux) dans le processus de médiation », recommande-t-il. En termes de perspectives, Boubacar Tchiombiano pense déjà à la réplication de la pratique de la médiation pénale dans tous les ressorts des tribunaux de grande instance du pays.

« Actuellement la médiation pénale n’est applicable qu’aux enfants selon la loi. Un des objectifs visés est que le travail que nous faisons serve d’argumentaire pour pouvoir élargir la médiation pénale aux adultes », renchérit-il. Il a bon espoir que ses propos ne tomberont pas dans l’oreille d’un sourd. Toutes nos tentatives pour rencontrer les travailleurs sociaux sont restées vaines.

Ouamtinga Michel ILBOUDO

Omichel20@gmail.com