Putsch contre Alpha Condé en Guinée : Le refus de rentrer dans l’histoire par la grande porte

Le Lieutenant Mamady Doumbouya promet une Transition inclusive.

Il aura dirigé la Guinée pendant onze ans et venait d’être élu pour un troisième mandat. Alpha Condé qui a marqué la vie politique guinéenne pendant un demi-siècle a connu une carrière à rebondissements durant laquelle il aura connu l’exil, la prison et le pouvoir suprême. Malheureusement, l’opposant « historique », qui s’est battu pour la démocratie dans son pays n’a pas voulu rentrer dans l’histoire par la grande porte.

Peu d’observateurs et d’analystes de la situation politique en Guinée pleurent le sort que connait Alpha Condé, le désormais ex- président guinéen renversé par un putsch militaire le dimanche 5 septembre dernier à Conakry. Et pour cause, ce fameux troisième mandat obtenu à travers un passage en force opéré par le maitre de Conakry d’alors et ses soutiens.

Du référendum constitutionnel controversé de mars 2020 à la présidentielle d’octobre de la même année, et au delà, la Guinée était rentrée dans une zone de turbulence, avec son lot de morts et de blessés pour les opposants à la démarche de Alpha Condé. Ceux-ci s’étant signalés par des manifestations réprimées dans la violence par le pouvoir. Les leaders de l’opposition tels Cellou Dalein Diallo étaient pratiquement réduits au silence.

Selon ce dernier, il était interdit de quitter le territoire national, son passeport et celui de son épouse étaient confisqués. S’ajoutent à tout ceci les violences intercommunautaires et une gestion peu vertueuse de la chose publique. Les ingrédients étaient donc réunis en une sorte de cocktail explosif, qui ont amené le Lieutenant –Colonel Mamady Doumbouya et ses hommes du redouté Groupement des Forces spéciales à agir.

En tout, à Conakry et dans certaines localités de la Guinée, les foules en liesse qui acclamaient les soldats après leur coup de force, ont montré un certain raz le bol de la population, qui estime être libérée d’une dictature. Au-delà de ce énième coup de force dans certains pays africains, dans la sous-région notamment, il convient de s’interroger sur le modèle démocratique sous nos tropiques, où la parole donnée est rarement respectée.

Espoir déçu

Le troisième Mandat a été finalement fatal à celui qui, à un moment de l’histoire de la Guinée, a incarné l’espoir.

Et pourtant à son arrivée au pouvoir en 2010, à la faveur d’élections démocratiques, il incarnait l’espoir et le renouveau de la Guinée, après des années de dictature de Sékou Touré et de Lassana Conté. Alpha Condé et la politique en effet, c’est une histoire vieille d’un demi-siècle. La politique a toujours été son élément. Il y est entré dès ses études dans les années 1960, en France, au sein de la FEANF, la Fédération des étudiants d’Afrique noire.

Alors que la Guinée vit sous le régime autoritaire de Sékou Touré, Alpha Condé fonde depuis Paris un mouvement d’opposition, ce qui lui vaudra une condamnation à mort par contumace de Sékou Touré. Après la mort de ce dernier, et alors que le pays se démocratise, il rentre en Guinée et met sur pied le RPG, le Rassemblement du peuple guinéen, parti devenu l’excroissance de cet homme à la forte personnalité et aux idées marquées à gauche.

Battu aux élections présidentielles de 1993 et 1998 par Lansana Conté, il est arrêté puis jeté en prison. Celui que l’on surnomme alors un peu hâtivement « le Nelson Mandela d’Afrique de l’Ouest » sera condamné à cinq années de prison, puis libéré au bout de vingt mois sous la pression internationale.

Il lui faudra attendre la mort de Lansana Conté en décembre 2008 et la déliquescence du régime putschiste de Moussa Dadis Camara pour qu’il accède enfin au pouvoir en 2010 à la faveur d’une élection présidentielle contestée. S’ensuivent dix années de pouvoir souvent solitaire et parfois autoritaire, où ce politicien rusé mettra tout en œuvre pour conserver son fauteuil, faisant fi de la contestation populaire et d’une opposition qui lui reprochait de manipuler les urnes et la Constitution.

Gabriel SAMA.