Campagne de reboisement 2021 : Des pépiniéristes ouagalais crient à la mévente

Des manguiers qui n’attendent que des clients.

Au Burkina Faso, l’hivernage rime avec plantation d’arbres. A la faveur de la campagne de reboisement, lancée chaque année par le gouvernement, plusieurs milliers de plants sont mis en terre. Toutefois, des pépiniéristes installés autour des barrages à Ouagadougou déplorent la mévente de leurs plantes pour la présente campagne. Constat.

Pierre Guira, la soixantaine, scrute l’horizon en cette matinée du 17 août 2021 à la recherche d’un éventuel client. Installé depuis près de 30 ans sur les rives du barrage n°3 de Ouagadougou, il a fait de la production des plantes son gagne-pain quotidien. Dans sa pépinière, plusieurs espèces de végétaux de différentes tailles s’étalent. Elles attendent des preneurs. Des manguiers, des orangers, des goyaviers, des citronniers, des caïlcédrats, des acacias, des flamboyants, des fleurs, etc. se disputent l’espace.

Depuis 2019, le gouvernement burkinabè a institué la Journée nationale de l’arbre (JNA) en vue d’inciter les citoyens à planter utile. Et le mois d’août, très pluvieux, est décrété mois de l’arbre au Burkina Faso. Une période censée être celle de la grande ruée vers les plants. Pourtant, nous sommes en mi-août et les choses ne se passent pas comme prévu chez M. Guira. « Le marché est morose. Depuis le matin jusqu’à maintenant (Ndlr, aux environs de midi), je n’ai rien vendu », se désole le pépiniériste.

Les raisons, selon lui, dénotent du fait que bien de citoyens sont animés de la volonté de planter mais manquent de terrains à cet effet. « Avec les problèmes fonciers, beaucoup hésitent à planter des arbres sur un espace qui ne leur appartient pas, au risque de subir le courroux du propriétaire. Alors que pendant la période révolutionnaire, on plantait partout sans que personne ne s’y oppose », explique Pierre Guira.

Selon Pierre Guira, l’entretien des pépinières est un casse-tête.

Embouchant la même trompette, le voisin de M. Guira, Hamado Badini, est aussi inquiet de la timidité du marché de ses plants. A l’écouter, c’est généralement dans les mois de juillet et d’août que les plantes s’achètent. Passée cette période, indique le sexagénaire qui totalise 20 ans d’expérience dans les pépinières, rendez-vous est pris pour l’hivernage suivant afin que les arbres sortent encore nombreux. Selon lui, les quelques clients qui viennent au compte-gouttes sont, la plupart du temps, des propriétaires de parcelles qui veulent meubler leurs cours. Les gros clients, eux, sont les possesseurs de plusieurs hectares de terres. Ces achats saccadés ont permis à Hamado d’écouler depuis le début de la saison des pluies, plus d’une centaine d’arbres dont les prix varient entre 1000 et 3000 F CFA.

L’aide du gouvernement sollicitée

M. Badini, tout comme son collègue Guira, aurait souhaité recevoir une commande de la part du gouvernement mais dit n’en avoir pas encore bénéficié. « Les autorités devraient nous encourager en achetant nos plants pour les campagnes de reboisement. J’ai appris que des mairies lancent des commandes chez certains de nos collègues mais je n’ai jamais été bénéficiaire », plaide-t-il.

Quant à Célestin Nana, également installé aux abords du barrage n°3, il est plus chanceux. Chaque année, avance-t-il, la mairie de l’arrondissement 4 achète des plants chez moi tels que le caïlcédrat, le neem, l’acacia… pour le reboisement. Ce qui lui permettait d’écouler annuellement 1000 plantes environ. Mais pour cette fois-ci, M. Nana dit ne rien comprendre. Il subit aussi la mévente comme les autres. « Le mois d’août est presque fini

Malgré la mévente, Célestin Nana continue de semer ses plantes.

et toujours pas de nouvelle. Actuellement, ce se sont les fleurs qui s’achètent et nous permettent de prendre en charge nos familles », déplore Célestin.

Les clients ordinaires qui s’intéressent aux arbres fruitiers, mentionne-t-il, ne peuvent prendre à la fois plus de trois pieds chacun. A un jet de pierre du barrage n°2, Salif Guelbéogo s’active à placer ses plants au bord de la voie. Il faut les exposer pour attirer l’attention de la clientèle. Malgré ses efforts, le marché demeure peu florissant, à l’entendre. « L’an passé, à cette même période, on avait vendu beaucoup d’arbres. Mais cette année, la situation est tout autre.

Les clients se font rares », informe M. Guelbéogo. Il fonde l’espoir que les autorités municipales, comme à leur habitude, passeront lui redonner le sourire, d’ici à la fin du mois. Sinon, révèle Salif, les quelques clients qui se signalent veulent acheter les plants à vil prix. Tout en encourageant les Burkinabè à poursuivre leurs efforts de plantation d’arbres, les pépiniéristes souhaitent avoir des bons de commande de la part du gouvernement afin de pouvoir écouler leurs produits.

Mady KABRE