Guillaume Soro au Burkina et au Niger: un choix pas fortuit

Guillaume Soro se réjouit d’avoir été accueilli par les autorités militaires de Transition.

La récente visite de Guillaume Soro dans des pays du Sahel comme le Niger et le Burkina a fait couler beaucoup d’encre et de salive dans la sous-région. Les interrogations et les conjectures qui en ont résulté peuvent se comprendre, dans la mesure où l’opposant ivoirien en exil, a maille à partir avec le régime en place dans son pays. Un gouvernement qui n’est pas forcement en odeur de sainteté avec les Transitions militaires qui lui ont déroulé le tapis rouge.

En annonçant la fin de son exil et sa volonté de retrouver sa terre ancestrale et natale d’Afrique, l’on était curieux de savoir comment l’ancien chef rebelle allait s’y prendre pour fouler le sol ivoirien. Puisque l’ex-premier ministre et ex-président de l’Assemblée nationale de la Côte d’Ivoire a été condamné par la justice de son pays à la perpétuité, pour atteinte à la sureté de l’Etat et à vingt ans de prison pour recel et détournement de deniers publics.

Autrement dit, un retour en Côte d’Ivoire équivaudrait à un séjour en prison, dès sa descente d’avion. Et voilà que l’on retrouve le célèbre exilé depuis 2019, quelques jours seulement après son annonce, à Niamey au Niger. Il y est reçu par le chef de l’Etat nigérien et les numéros 2 et 3 du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), l’organe dirigeant du Niger. Il a, par la suite, été l’hôte du président de la Transition burkinabè, Ibrahim Traoré.

Des sources indiquent que le tapis rouge lui aurait été également déroulé à Bamako avec le colonel Assimi Goita, mais cette rencontre n’aurait pas été médiatisée comme celle de Niamey et de Ouagadougou. On se rappelle qu’à l’issue de son entretien avec le chef de l’Etat burkinabè, Guillaume Soro avait lancé cette pique à l’endroit du gouvernement de son pays.

« C’est tellement saisissant de voir que je peux fouler à nouveau le sol du Burkina Faso, grâce à un gouvernement militaire, là où les gouvernements prétendument démocratiquement élus ont refusé de reconnaître le droit du citoyen que je suis, du Ouest-africain que je suis », affirmait-il. Manifestement, cette déclaration de l’ex-chef rebelle apparait comme de la défiance et de la provocation pour certains, vis-à-vis du pouvoir ivoirien.

Il n’est plus un secret pour personne que son exil de quatre ans et demi est consécutif à une brouille d’avec son ancien mentor, le président Alassane Ouattara. En effet, Guillaume Soro a vu sa carrière politique s’écrire en pointillé depuis sa rupture avec le président ivoirien et sa démission du perchoir en 2019. Les tensions entre les deux alliés d’hier, qui ont partagé la réalité du pouvoir de 2011 jusqu’à la rupture, ont grossi au fur et à mesure qu’approchait la présidentielle de 2020.

Une échéance à laquelle le président de l’Assemblée nationale ivoirienne d’alors, croyait voir son heure sonnée, en étant Calife à la place du Calife. Sauf que le mentor Ouattara ne voyait pas les choses de cette façon, en choisissant plutôt de miser sur un certain Amadou Gon Coulibaly. Refusant aussi de rejoindre le Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), une coalition présidentielle, celui qui se voyait déjà président de Côte d’Ivoire est contraint à l’exil.

La France, la Belgique, la Suisse, la Turquie, etc. sont autant de pays foulés par l’ex-enfant chouchou. La présidentielle de 2025 approche à grands pas en Côte d’Ivoire et Soro qui n’a rien perdu de ses ambitions pour le fauteuil veut rentrer dans son pays. Sauf que des condamnations graves pèsent sur lui.

Bannir la méthode forte

Il choisit alors de rallier sa terre ancestrale d’Afrique mais pas celle natale à travers le Niger, le Burkina et certainement le Mali. En optant pour ces pays de Transition militaire qui ne filent pas le parfait amour avec le pouvoir à Abidjan, Guillaume Soro ne fait-il pas perdurer sa « bagarre » avec son mentor et allié d’hier ? Le Niger à ses raisons d’en vouloir au régime Ouattara. Car à Niamey, le président ivoirien est perçu comme l’un des chefs de file, avec son homologue nigérian, de l’intervention armée de la CEDEAO, pour remettre le président Bazoum au pouvoir, et subséquemment un bras droit d’Emmanuel Macron qui tirerait les ficelles.

Suite à la tentative de coup d’Etat avorté annoncée par les autorités burkinabè, des présumés auteurs de ce coup de force étouffé dans l’œuf ont trouvé refuge en Côte d’Ivoire. En plus, deux gendarmes ivoiriens, appréhendés en territoire burkinabè, sont toujours détenus à Ouagadougou, ce qui complique les relations entre les deux pays. Au Mali, on a toujours en mémoire l’épisode des 49 soldats ivoiriens, détenus à Bamako durant plusieurs mois, avant d’être libérés.

Mais les relations ne se sont pas pour autant améliorées, quand on sait que des personnalités maliennes comme Karim Keita, fils de l’ancien président Ibrahim Boubacar Keita, a trouvé refuge à Abidjan et est toujours réclamé par Bamako. Les trois pays précités ont certainement leurs raisons de dérouler le tapis rouge à l’ex- patron de la rébellion ivoirienne. Mais Guillaume Soro a-t-il choisi la bonne méthode pour espérer regagner son pays natal ?

C’est vrai que les relations entre le président Ouattara et celui qu’il appelait un temps « mon fils » sont exécrables, mais si sa volonté est de rentrer au bercail, l’heure doit être plutôt au dialogue, à la négociation et à la réconciliation. Il suffirait de prendre exemple sur les cas Charles Blé Goudé et Laurent Gbagbo. Après leur libération par la Cour pénale internationale, l’ancien chef des Jeunes patriotes et l’ex-président avaient dû entamer des pourparlers avec le pouvoir ivoirien avant leur retour.

La méthode du forcing que le camp Soro semble privilégier n’est pas à encourager, car cela peut produire encore des étincelles. Les ivoiriens n’ont pas oublié les affres de la rébellion et de la guerre civile qui ont occasionné des milliers de morts.

Gabriel SAMA.