Relations CEDEAO-Niger :du bras de fer au réalisme

Le discours musclé a fait place à la perspective de la négociation.

Le bras de fer entre la CEDEAO et le Niger, consécutif au coup d’Etat ayant renversé le président Mohamed Bazoun, connait désormais une autre tournure. L’organisation ouest-africaine est désormais favorable à l’allègement des sanctions qu’elle avait prises au lendemain du coup de force du 26 juillet 2023. Mais à condition que les autorités militaires proposent une Transition de courte durée. A cet effet, la CEDEAO a désigné une médiation conduite par trois chefs d’Etat, signe qu’elle consent à dialoguer avec le pouvoir militaire à Niamey qu’elle voulait pourtant déloger par la force quelques mois plutôt.

Le temps des discours musclés et des menaces d’intervention armée au Niger, à coups d’ultimatums, semble désormais se conjuguer au passé. Face à la perspective d’une attaque de la part de la CEDEAO contre leur nation, des Nigériens de tous bords, unis dans la résistance contre cette agression qui était dans les tuyaux, ont dû contraindre les tenants d’une intervention armée, à battre en retraite.

La CEDEAO a sans doute aussi reculé, au regard de la solidarité très vite affichée par le Mali et le Burkina Faso vis-à-vis du Niger, qui ont marqué leur opposition farouche à toute attaque armée. Cette position de ces trois pays donnera d’ailleurs naissance à l’Alliance des Etats du Sahel (AES), à travers un pacte -­­­­qu’ils ont conclu le 16 septembre 2023. Cinq mois après le coup d’Etat, l’organisation ouest-africaine semble faire preuve de réalisme. En effet, le constat est que les militaires ont la réalité du pouvoir qu’ils ont même consolidé et le président déchu Mohamed Bazoum est toujours entre leurs mains.

La France, soupçonnée d’être le commanditaire de l’intervention armée de la CEDEAO pour rétablir son « valet local » au pouvoir, est désormais inaudible et ses 1 500 militaires stationnés au Niger dans le cadre de la lutte anti-terroriste achèvent leur rapatriement ce mois de décembre. Et ce, après des manifestations monstres de Nigériens révoltés contre leur présence dans le pays. Lors de son sommet tenu le 10 décembre dernier, à son siège à Abuja, la CEDEAO a, certes, maintenu ses sanctions économiques et financières contre le Niger. Mais elle consent désormais à les alléger en contrepartie de l’engagement de la partie nigérienne à fixer un court délai de la période de Transition.

La rencontre a aussi décidé qu’un comité composé des présidents du Bénin, du Togo et de la Sierra Leone négocierait avec le régime militaire nigérien sur les engagements à mettre en œuvre, avant un éventuel assouplissement des sanctions prises par l’organisation régionale peu après le coup d’Etat du 26 juillet 2023. Quelques jours plus tard, soit le 15 décembre, c’est au tour de la Cour de justice de la CEDEAO d’ordonner la remise en liberté et le retour au pouvoir du président Bazoum. En sus, la juridiction ouest-africaine a donné un mois aux autorités militaires du Niger pour exécuter ses décisions.

Dialogue et négociation

A la lumière de ces derniers développements, il apparait que la CEDEAO opte définitivement pour le dialogue et la négociation en lieu et place de l’usage de la force. En plus des négociations qui auront cours entre la médiation et le pouvoir militaire pour parvenir à un chronogramme d’un retour à l’ordre constitutionnel, la logique voudrait que la question de la libération du président Mohamed Bazoum et des membres de sa famille ne soit pas éclipsée. Il reste à espérer que les deux parties jouent la carte de la transparence et parviennent à des solutions acceptées par tous.

Le peuple nigérien, durement éprouvé par les sanctions économiques et financières très sévères de la part de la CEDEAO et privé par moment d’électricité du Nigeria qui lui coupe le jus, a besoin de sortir de cette souffrance qui perdure. Ce dont les peuples de l’espace ouest-africain attendent de la CEDEAO, ce sont des approches beaucoup plus réalistes de sa part, pour trouver des solutions aux problèmes politiques qui se posent dans cette zone. A l’endroit de ses pays membres dirigés par des militaires issus de récents coups d’Etat, le réalisme doit guider l’action de l’organe d’intégration sous régionale, à travers le dialogue et la concertation avec les autorités de ces pays.

Cela, en lieu et place des sanctions punitives et des discours guerriers qui se révèlent la plupart du temps inopérants et inefficaces et qui la discréditent davantage aux yeux des populations de l’espace, qui en réalité se retrouvent à souffrir le martyre. Au Burkina Faso, par exemple, l’on entend de la CEDEAO, qu’elle aide à trouver des solutions face au péril terroriste qui menace la stabilité du pays. Elle ferait ainsi œuvre utile, en lieu et place de la contrainte à aller de façon précipitée vers des élections, alors que la totalité du territoire n’est pas sous contrôle de l’Etat.

Gabriel SAMA