Lors des 18es championnats de karaté de la Zone 3, Oumarou Yugo, président de la Fédération burkinabè de karaté, a été porté à la tête de l’Union des fédérations africaines de karaté de la zone. Dans l’entretien qu’il a accordé à Sidwaya Sport, il revient sur cette élection, dévoile ses ambitions et se prononce sur la situation du karaté au Burkina Faso.

Qu’est-ce qui a milité en faveur de votre élection à la tête de l’UFAK Zone 3 ?
Nous nous sommes rendu à Abidjan du 6 au 15 mai dernier pour le 18e championnat de la Zone 3. Au cours de ce championnat, il était prévu un congrès pour l’élection du nouveau président de l’UFAK, Zone 3. Ce qui a présidé probablement au choix de mes collègues est lié au fait que depuis deux ans, le Burkina Faso a régulièrement organisé son championnat et a été présent à toutes les activités de la zone. En plus, nous sommes toujours venus en nombre. Au bilan des trois années, notre pays a toujours eu la plus forte délégation chez les sportifs, les arbitres, les coaches et aussi au niveau des résultats lorsque vous faites la sommation sur le plan zonal que continental. Mais je ne crois pas que ce sont seulement les résultats sportifs qui ont motivé leur choix. Ils ont certainement vu en moi quelqu’un qui a une expertise, une petite expérience. Ils ont estimé que j’étais en mesure d’être porté à la tête de cette institution. Pour la première fois, il y avait sept pays et seul le Liberia était absent. Et j’ai donc été porté à la tête de la zone à l’unanimité. Le choix porté à ma personne s’est fait de façon spontanée avec en tête des pays comme la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Niger. Je n’ai jamais été candidat avant d’aller à Abidjan, ni sur place. Ma candidature a été spontanée, sur proposition de ces trois pays.

Est-ce qu’au départ, le Burkina Faso n’avait pas pour projet de briguer ce poste ?
Non ! Si c’était le cas, vous l’aurez su. Je n’ai jamais évoqué cette élection quand bien même elle était sue deux à trois mois à l’avance. Je me suis plutôt concentré sur l’objectif de faire briller les athlètes qui ont fait leur preuve l’année dernière. Aussi, il fallait mobiliser beaucoup plus de ressources parce que pour la première fois, il fallait amener une délégation de 64 personnes dont 36 athlètes, 14 arbitres, 4 coaches, 2 journalistes et 5 membres fédéraux. C’est du jamais-vu depuis que l’UFAK existe. C’était un sacerdoce pour moi. Mon focus n’était pas l’élection du président de l’UFAK mais plutôt marquer la présence du Burkina Faso et tirer le maximum de médailles.

Sous quel signe placez-vous votre mandat ?
Mon mandat sera celui de l’union et du rassemblement. D’abord, il faut noter que la Zone 3 est née au Burkina Faso en 1998. Et j’étais déjà aux affaires. J’ai permis l’élection de Mohamed Pareso. J’ai également permis l’élection de Stanislas Tiahoun, mon jeune frère. Mais je n’étais pas disponible parce que j’étais focalisé sur mes affaires en France et au pays. Et j’avoue que je n’ai jamais pensé une seconde m’intéresser au karaté à ce point. Qu’à cela ne tienne, je place ce mandat sous le sceau de la refondation et la redynamisation de la structure. Aujourd’hui, la zone n’a qu’une seule activité par an qui est le championnat. Ce n’est pas normal. Il faut que nous ayons trois à quatre activités, en plus du championnat, qui vont tourner autour des stages de grand niveau dans un pays, des stages d’arbitres dans un autre, un perfectionnement des cadres à travers des diplômes d’instructeurs fédéraux. Nous sommes en train de travailler sur ces textes. D’ici à la fin du championnat d’Afrique au Botswana, le cadre stratégique de mon mandat sera défini.

Quels sont les avantages de ce poste pour le Burkina Faso ?
Il n’ya pas d’avantages. Si j’étais égoïste, je n’allais pas accepter le poste. Avec l’énergie que je mets pour la fédération, il va falloir en mettre autant pour l’UFAK. Le seul intérêt est que mon élection me donne l’occasion de mettre à profit mon expertise de 40 ans de karaté au Burkina Faso et en France, au service des autres pays. Aussi, je pourrai donner ma vision du karaté au niveau zonal. Et si j’arrive à imposer cette vision, la discipline va évoluer dans la sous-région.

Quelles sont les priorités pour la zone ?
La première est de passer de deux arbitres mondiaux à cinq ou à huit d’ici à trois ou quatre ans. A part Olusegun Akinola du Nigeria et Jean- Marie Kouamé de la Côte d’Ivoire, tous les autres sont des continentaux. Aujourd’hui, au Burkina Faso, j’ai réussi à avoir treize arbitres au niveau de la zone et sept au niveau continental. Et l’objectif du Burkina Faso est de passer à deux ou trois arbitres mondiaux dans les années qui viennent. En ce qui concerne la structure elle-même, j’ambitionne créer deux évènements majeurs. Premièrement, il s’agit d’un stage de haut niveau annuel qui va regrouper trois ou quatre athlètes par pays avec pour objectif d’aller au championnat du monde. Deuxièmement, nous ambitionnons faire venir un grand arbitre mondial pour former l’ensemble des arbitres continentaux dans un pays. Aussi, il faut détecter les pionniers par pays ; ceux qui ont créé le karaté dans les huit pays de la Zone, les élever au grade de 9e ou 10e dan, qu’ils soient vivants ou morts pour le respect de leur mémoire. On a souvent tendance à oublier les grands maîtres. Enfin, il faut créer une commission de discipline pour règlementer la gestion des grades au niveau de la zone. Car il y a des gens qui, à partir du moment qu’ils sont en désaccord, et cette pratique s’observe dans certains pays, s’autoproclament 10e ou 12e dan. Nous allons travailler au niveau de la zone à bannir ces actes. Une commission va travailler à élaguer les textes pour que toute personne qui va être une entrave aux règles soit purement et simplement radiée de la WKF (Fédération mondiale de karaté). Ce sont là les grands chantiers de notre mandat. En plus, à la tête de chaque commission, nous allons installer un président et des membres pour animer l’UFAK Zone 3.

Vous êtes le président de la Zone 3 alors que sur le plan national, il y a des divisions au sein de la famille du karaté. Une réconciliation est-il possible?
Après trois ans, il y a que vous qui me parlez encore de division. On ne peut pas parler de division avec 25 médailles remportées à l’étranger! A un moment, il va falloir vous résigner au fait que la division est factice. Pour moi, il n’y a pas de crise. Comme dans tout pays, il y a des opposants. A l’UFAK Zone 3, il y a des opposants, à la Fédération mondiale de karaté il y a des opposants. Mais est-ce pour autant qu’ on parle de crise ? Je suis en phase aves les textes de mon pays. Je suis en phase avec la majorité des karatékas burkinabè. Sincèrement, j’ai tendu la main à tous depuis trois ans et je la tends encore. Mon bras doit avoir maintenant trois mètres. La porte de la Fédération burkinabè de karaté-do n’est pas fermée. Elle est ouverte. Si trois ans après vous me parlez de crise, c’est qu’il y a un problème.

A vous entendre parler, est-ce que vous accepteriez que vos opposants rejoignent la famille?
Absolument ! Je l’ai dit au ministre en charge des sports. Le ministère m’a d’ailleurs interpellé sur cette question. Je suis d’accord. Mais pourquoi ? C’est la famille. On est en droit à un moment de ne pas être d’accord. La porte de notre Fédération est ouverte, et les gens continuent d’y entrer. On était à Abidjan avec des arbitres : Zida et Charles Kaboré. Ils sont aujourd’hui des arbitres de l’UFAK Zone 3. Et parmi les athlètes primés à Abidjan, il y avait le fils de Tiémoko Traoré, sans oublier Tabyam de Kaya qui ont tous fait leur retour. Tous ceux qui désirent revenir à la Fédération burkinabè de karaté-do demandent leur affiliation. Ils prennent contact avec nous. Nous les recevons de manière fraternelle. Ce sont des karatékas. Ce sont des frères. Ce ne sont pas des ennemis. Celui qui travaille dans l’ombre pour la division, nous le connaissons. Et ce n’est pas un karatéka !

Etant le président de l’UFAK Zone 3, allez-vous “rebeloter’’ à la présidence de la Fédération burkinabè de karaté-do en 2020 ?
Ecoutez, ce n’est pas d’actualité ! J’ai un calendrier. Il y a le Championnat d’Afrique au Botswana dans la première quinzaine du mois de juillet. Il y a également les Jeux africains en août, le Championnat du monde au Chili. L’année prochaine, le programme est immense. Je veux concrétiser le partenariat avec la LONAB et équiper toutes les ligues de tatamis. Je veux lancer la convention avec l’ambassade du Japon sur trois ou quatre ans au cours desquels il va falloir envoyer des enseignants et des karatékas de haut niveau en formation à l’extérieur. Je souhaite faire venir des experts au niveau national… Nous avons un gros chantier dans les douze mois qui viennent et qui ne laissent pas de place à quelque ambition que ce soit. A la fin, je ferai une plaquette avec le bilan de mes trois ans. En réalité, j’ai été élu le 8 mai 2017, et cela fait exactement deux ans. Donc, si je pense déjà aux prochaines élections, je deviendrai un politicien. Or je ne le suis pas. Je suis un pratiquant de karaté.

Y a t-il un lien entre le poste de président de fédération et celui de l’UFAK ?
Le seul lien est qu’on est coopté par ses pairs. Sinon, n’importe quel pratiquant de la zone peut se prévaloir du poste  de président de l’UFAK. En guise d’exemple, le président sortant, Vincent Yaï de la Côte d’Ivoire, a été président de l’UFAK sans avoir été président de la Fédération ivoirienne de karaté.

Avez-vous des ambitions au niveau africain, voire mondial ?
Je viens d’être élu président de l’UAFK Zone 3. Je n’ambitionne pas déjà un poste supérieur. Je prie Dieu d’abord pour pouvoir mener à bien ma mission avec les 8 pays membres. Vous savez, le destin de chaque homme est écrit. Ce sont vos actes, vos paroles, ce que vous faites et dites qui vous revient de droit. Je n’ai jamais pensé une seule seconde être président de l’Union des fédérations africaines de karaté Zone 3.

Où en est la Fédération burkinabè de Karaté (FBK) avec les qualifications pour les JO 2020 ?
La participation aux JO est très dure pour l’Afrique. Ce cas sera d’ailleurs l’un de nos thèmes au Botswana, à l’occasion des championnats d’Afrique. Les conditions de sélection des karatékas pour les JO laissent très peu de chance aux Africains. Il leur faut des points dans les karatés one et pour cela, il faut competir par an dans 4 continents pour espérer être au classement des 10 meilleurs mondiaux. Alors que 4 karatés one coûtent entre 35 000 et 40 000 euros par athlète. Avec ces coûts, comment voulez-vous qu’un pays africain puisse avoir un seul athlète à ce niveau ? Nous, Africains, sommes en train de voir si nous pouvons proposer au championnat d’Afrique au Botswana (du 9 au 17 juillet) le principe des quotas. Il est vrai qu’il s’agit d’une compétition qui regroupe les grands athlètes de niveau mondial, mais il faut faire des JO un cadre d’expression pour tout le monde. Qu’on donne un quota à chaque continent pour que les JO soient une vraie fête olympique ! En ce qui concerne les préparations au niveau de la FBK, à l’heure actuelle, nous visons 3 catégories. Celle de Liliane Ilboudo, 17e mondial, d’Alan Sanou, 14e mondial et en équipe Kader Traoré et Bernis Sawadogo. En dernier mot, je dédie mon mandat à Sa Majesté le Mogho Naaba Baongho qui est toujours disponible pour nous soutenir. Je tiens aussi à associer mon arrivée à ce niveau à mon maitre formateur Fabéré Sanou. Je souhaiterais que tous les anciens dans la discipline puissent me prodiguer des conseils afin que je réussisse cette mission, car sa réussite illuminera tout le Burkina Faso. Je remercie les autorités du pays qui, malgré la modestie des moyens, nous ont permis d’arriver là où nous sommes.

ITW réalisée par Fernand KOUDA, Ollo Aimé Césaire HIEN et Pengdwendé Achille OUEDRAOGO

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