Les règles de jeu en football sont en perpétuelles modifications et certaines ont même vu le jour. En effet, depuis le 1er juin 2019, plusieurs lois de jeu ont été retouchées. Pour ce faire, le président de la commission centrale des arbitres du Burkina, Koudougou David Yaméogo, a tenté de décortiquer ces nouvelles règles. Il n’a pas omis de faire un tour d’horizon sur l’arbitrage africain et burkinabè.

Depuis le 1er juin passé, de nouvelles lois sont en vigueur dans le football mondial. Pouvez-vous nous en dire plus ?
En réalité, il ne s’agit pas de nouvelles lois. Mais plutôt de réaménagement sur des lois qui existent. Il y a 10 lois qui ont été touchées. Et parmi ces 10 lois, il y a eu 18 modifications qui ont été opérées. Je vais vous décortiquer les plus importantes. Il y a d’abord la loi 3 qui a subi une légère modification en ce qui concerne les remplacements. Désormais, si un joueur doit être remplacé, celui qui quitte le terrain le fera par la ligne de démarcation la plus proche. Il ne sera plus autorisé à venir sur la ligne de touche, si cette façon de faire occasionne une perte de temps. L’arbitre a reçu le pouvoir de faire sortir le joueur par l’endroit le plus près. Naturellement s’il refuse, c’est une conséquence qui mérite des sanctions. La loi 4 a aussi subi une légère modification. Maintenant, il est autorisé de porter des sous-vêtements. Mais, il faut que la partie visible du sous-vêtement ait les mêmes caractéristiques et la même couleur que la manche des bras. Il y avait cette disposition, mais, on l’a précisée davantage. Concernant la loi 5, il y a deux modifications qui ont été opérées. Il s’agit des joueurs blessés. Quand il y a une faute sur un joueur, normalement, ce dernier ne doit pas être soigné pendant longtemps sur le terrain. S’il n’y a pas un carton consécutif à cette faute, le joueur devrait quitter le terrain après les soins avant de revenir suite à la reprise du jeu. Il n’était pas possible aux arbitres de donner des cartons jaunes aux officiels des équipes. C’est-à-dire que tous ceux qui sont dans la surface technique. Si ceux-ci avaient un comportement qui ne convenait pas, on leur disait de quitter la surface technique. Maintenant, les arbitres sont autorisés à leur donner soit des cartons jaunes ou rouges, en tenant compte de la gravité des faits qui devront être précisés dans les lois de jeu. La loi 8 concerne la balle à terre. Dans un premier temps, présentement, si l’arbitre arrête le jeu et que le motif de cet arrêt n’est pas une raison technique, l’arbitre reprenait le jeu par balle à terre disputée. Le constat est que très souvent, le ballon est joué dans une position très inconfortable pour l’équipe qui est censée avoir le bénéfice du ballon. La FIFA a estimé que cette façon de faire n’est pas fair-play et a changé le dispositif. Dorénavant, la balle à terre va être faite au profit d’un seul joueur. Les joueurs adverses devront se tenir à 4 mètres. Si le ballon est arrêté, l’arbitre va constater l’équipe qui avait la possession du ballon ou le dernier joueur qui l’a touché. Et c’est à cette équipe que l’arbitre remet le ballon. Si l’arrêt de jeu a été opéré dans la surface de réparation, la loi dit que la balle doit être remise au gardien. Actuellement, pour commencer le match, on fait un toss. L’arbitre demande aux deux capitaines de faire le choix. Il lance une pièce et celui qui gagne le toss choisit le camp où il va jouer en premier. Et l’autre se chargeait de l’engagement. Selon la nouvelle modification, celui qui gagne le toss choisit entre le camp et le coup d’envoi. Je précise que c’est une modification qui est revenue. Il y a eu quelques retouches à la loi 9. Si la balle touche un arbitre ou son assistant avant de rentrer au but, auparavant, on accordait le but. Maintenant, la loi dit que si la balle touche l’arbitre ou les assistants et qu’elle change de direction, ou qu’elle rentre dans les buts, ou qu’elle profite à l’équipe qui ne l’avait pas, l’arbitre doit arrêter le jeu et faire balle à terre. La loi 10 stipule que le gardien de but ne peut pas marquer directement un but sur une rentrée de touche. C’était évident mais on ne l’avait pas mis à quelque part dans la loi. Aujourd’hui, on vient matérialiser cet aspect. Pour les joueurs, c’est évident, mais, on n’avait pas traité le cas des gardiens. Parce que le portier, normalement, est autorisé à jouer des mains seulement dans sa surface. On précise que s’il fait une rentrée de touche, il est considéré comme les autres joueurs donc il ne peut pas marquer un but directement à l’adversaire. La loi 12 a été celle qui a subi beaucoup plus de modifications. Il y a la problématique de la faute de main. Il y a eu beaucoup de choses là-dessus. Beaucoup d’informations qui ont été intégrées aux lois de jeu étaient déjà appliquées par les arbitres parce que dans l’enseignement, pour dire qu’il y a faute de main, il y a un certain nombre de caractéristiques qu’il fallait prendre en compte. Et ce sont ces caractéristiques qu’on a légiférées et intégrées officiellement dans la loi. Cependant, il y a deux aspects qui changent. Le premier, la loi dit que si le contact entre la balle et la main n’est pas délibéré, il n’y a pas faute. La loi précise que si la main n’est pas délibérée, elle profite à l’attaquant qui peut marquer un but ou l’occasionner, ou qui peut occasionner une situation favorable pour son équipe, même si la main n’est pas délibérée, il faut siffler parce qu’il y a avantage certain pour le joueur qui a touché la balle avec la main. Ce qui est vrai pour l’attaquant, ne l’est pas pour le défenseur. Pour ce dernier, si la main n’est pas délibérée, le jeu se poursuit. Dans la 2e modification, la loi précise en ce qui concerne la main, que si la balle tape une partie du corps du joueur et rebondit sur sa main, normalement, on ne doit pas siffler une faute. Pour autant que le geste, le joueur en question ne pouvait pas éviter que la balle touche sa main. Si la balle rebondit sur un partenaire ou un adversaire à proximité et la balle touche ensuite la main d’une autre personne, le juge ne doit pas considérer que cette façon de toucher est une faute, pour autant que non seulement, ce soit proche mais il ne peut pas enlever sa main. Ce sont les deux aspects qui ont changé au niveau de la faute de main. Egalement, on précise que si un joueur tombe, naturellement il va utiliser ses mains pour se protéger. Si pendant que ses mains sont au sol, la balle vient les toucher, on dit de ne pas considérer cela comme une faute. Tout ça n’est vrai que sous réserve que ce contact avec la main n’est pas profitable au joueur, dans une position où il peut marquer un but. Au niveau des coups francs, il y a eu une légère modification. Aujourd’hui, si l’arbitre siffle une faute, et sur la faute, il doit donner un carton jaune ou rouge, il devrait donner le carton avant d’autoriser la reprise du jeu. Il y a eu une légère modification à ce niveau. Et les nouvelles modifications disent que si l’arbitre siffle une faute et doit donner un carton sur la faute, et l’équipe qui bénéficie du coup franc joue rapidement le ballon et a une occasion de marquer un but, on dit de laisser jouer. Et revenir donner la sanction quand le ballon serait à l’arrêt. La loi dit que si un partenaire du gardien lui envoie le ballon à partir d’une rentrée de touche, il ne peut pas prendre le ballon des mains. Si son partenaire lui envoie le ballon de façon délibérée avec le pied, il ne peut pas non plus prendre le ballon des mains. Il y a une légère modification à ce niveau. La loi préconise que si on envoie le ballon au gardien suite à une rentrée de touche ou une passe et qu’il dégage, mais rate son dégagement, il est autorisé à se saisir la balle des mains. Il appartiendra aux arbitres de voir s’il y a de la malice dans la façon de faire. Mais, on doit pouvoir savoir s’il a effectivement raté son dégagement ou pas. C’est quand on arrive à cette conclusion que l’on peut l’autoriser à se saisir des mains. Dorénavant, s’il y a un coup franc et le mur se forme et qu’il y a au moins trois joueurs, il n’est plus autorisé à un joueur adverse d’aller se mettre dans le mur. Il peut se mettre à un mètre du mur mais plus au même niveau. S’il n’est pas à cette distance, si l’exécution est faite, on siffle un coup franc indirect contre lui. A partir de maintenant, les bagarres dans les murs vont prendre fin. Quid de la reprise de jeu dans la surface de réparation ? Avant la modification, s’il y a coup franc dans la surface de réparation ou quand la balle sort en sortie de but, pour faire la reprise de jeu, normalement il faut que la balle quitte la surface de réparation pour que quelqu’un puisse la jouer. Avec la modification, ce procédé est fini. Le ballon n’est plus tenu de quitter la ligne. On dit que quand le ballon a été botté et a bougé, il est en jeu. Ce changement va être déterminant dans l’organisation du jeu. Il y a aussi une modification sur la loi 14 qui traite du penalty. On dit que le gardien doit être sur sa ligne de but. Mais la réalité est qu’à 70%, les gardiens la quittent. Et la modification autorise maintenant l’arbitre à considérer qu’une seule jambe du gardien. S’il a encore une jambe sur la ligne, on considère qu’il est encore sur la ligne. Voilà globalement les modifications qui ont été opérées. Elles sont entrées en vigueur à partir du 1er juin 2019. La FIFA autorise que les fédérations qui ont des compétitions en cours, peuvent finir leurs compétitions avant de procéder aux modifications. Au Burkina, nous sommes en train de finir la saison. Ensuite, nous allons former tous les acteurs à ces nouvelles modifications avant de reprendre la saison. Nous allons commencer la formation par les acteurs de l’arbitrage. Il y a notamment les instructeurs, les inspecteurs, les commissaires de matches, les entraîneurs, les joueurs, etc.

Qu’est-ce qui a motivé la FIFA à opérer ces modifications selon vous ?
Je ne peux le dire, mais l’évolution des lois vise toujours à ramener de la clarté, de la précision mais aussi de la facilité. Sauf que par moments, les modifications donnent davantage de difficultés à l’arbitre pour apprécier et dire s’il y a infraction ou non. Par exemple sur la question de la modification concernant le gardien sur la ligne de but, ça ne va pas être facile de regarder un pied qui bouge et l’autre qui ne bouge pas. Le temps de décalage n’est pas toujours évident.

Vous avez parlé tantôt de la loi 12 concernant la faute de main. Que pensez-vous du penalty qui a occasionné le premier but de Liverpool lors de la finale de la ligue des champions européenne. On a l’impression que la balle a d’abord touché une autre partie du corps avant la main ?
Non, la balle est partie sur sa main. Dans les principes que nous édictons aux arbitres, pour nous il y a penalty parce que la main n’est pas dans une position naturelle. La loi dit aujourd’hui que si les mains sont au-dessus des épaules, et que vous avez touché le ballon, c’est que vous avez cherché à le toucher. La main n’étant pas dans une position naturelle, le penalty est consommé. Du reste, malgré toutes ces informations, les critères qui sont donc donnés, il reste que l’arbitre doit faire l’analyse et prendre en compte tous ces éléments et décider. Aujourd’hui, quand vous avez la vidéo-assistance, cela vous permet de mieux apprécier par rapport à d’autres angles de là où vous étiez sur le terrain. Cela peut vous permettre de corriger éventuellement le processus d’analyse du fait. Les gens doivent savoir que l’arbitre va prendre des décisions qui ne seront pas toujours en harmonie avec leurs convictions. Il est donné la possibilité à l’arbitre de se tromper. Et la loi dit que même si l’arbitre se trompe, le résultat doit être ainsi et tout le monde doit l’accepter.

Que pensez-vous justement de la vidéo-assistance avec ses remous?
Non, il n’y a pas de remous. La vidéo-assistance n’est pas venue pour régler tous les problèmes du football. Elle est venue pour aider l’arbitre à se tromper le moins possible. Mais, on ne peut pas effacer la possibilité que l’arbitre se trompe.

Nous avons toujours en mémoire ce spectacle désolant qu’a laissé voir les finalistes de la Ligue des champions africaine. Là aussi, la vidéo-assistance n’a servi à rien…
Je n’ai pas suivi le match. Il est difficile pour moi de donner une appréciation. J’ai appris que le match n’est pas allé à son terme parce que la vidéo-assistance est tombée en panne. Et personne n’était d’accord sur la décision de l’arbitre. Je n’ai pas vu la situation donc je ne peux pas faire un commentaire.

Quelle appréciation faites-vous du niveau de l’arbitrage africain ?
Ça monte. Il est presqu’au même niveau que le reste monde. La preuve a été donnée par nos représentants lors des deux dernières coupes du monde. Je pense qu’il y a un gros effort qui est fait. D’abord sur le plan de la formation, la CAF avec l’appui de la FIFA forme de nombreux formateurs des arbitres. Ces formations sont répercutées au sein des pays à travers les formateurs locaux puis sur les arbitres. Tout le monde est conscient aujourd’hui qu’il faut travailler pour réussir. Je pense que l’arbitrage africain est sur la bonne dynamique. Nous avons deux trios à la coupe du monde U20 dont un Burkinabè. Nous allons les observer. Cela nous permettra d’avoir des indices pour apprécier et corriger pour pouvoir continuer le travail.

Et le niveau de l’arbitrage burkinabè ?
Ces deux dernières années, nous sommes satisfaits. Cette saison a été compliquée avec la fin en suspense du championnat de D1. La moindre erreur de l’arbitrage pouvait changer les résultats de tout le championnat. Même les matches sur lesquels tout le monde pensait que le feu allait s’allumer, Dieu a aidé et tout s’est très bien passé. Je pense que l’arbitrage burkinabè évolue. Il y a beaucoup d’efforts qui sont faits. Je dirai que c’est beaucoup plus l’environnement du football qui crée des problèmes. L’environnement est austère. Pour la moindre erreur, les arbitres sont lessivés, insultés, lapidés, frappés à la limite. Ce n’est pas toujours facile d’officier dans un climat pareil. Mais, les arbitres font beaucoup d’efforts. Ils arrivent malgré tout à se surpasser, à donner le meilleur d’eux pour donner de la satisfaction au football burkinabè. Si nous arrivons à réduire la pression autour de l’arbitre, il donnerait plus à notre football. Il y a une vraie difficulté car, il y a trop de connaisseurs. Il y en a qui ont peut-être lu les lois de jeu il y a 15 ou 20 ans, mais qui veulent toujours que leurs paroles comptent. Ils diffusent de fausses informations et il est difficile de les contredire au vu du lieu des débats. C’est toutes ces difficultés qui font que l’environnement du football burkinabè est difficile tant pour les arbitres que pour les joueurs. Le football est notre bien commun. Chacun doit fournir des efforts, non seulement se cultiver mais aussi accepter les résultats. Si l’on n’accepte pas les erreurs de l’un ou l’autre, on ne jouera pas. Comme l’a dit Johan Cruyff, « c’est l’ensemble des erreurs qui font le résultat ». S’il n’y a pas d’erreurs, il n’y aura pas de match, il n’y aura pas de but, il n’y aura pas de résultats. La nature même du jeu est qu’elle est faite de possibles erreurs.

Interview réalisée par Yves OUEDRAOGO

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