Certains Burkinabè qui s’adonnaient quotidiennement au pari en ligne sur des activités sportives regrettent ce temps où chaque jour était une occasion de se remplir les poches. Avec l’arrêt de plusieurs compétitions à travers le monde du fait du coronavirus, de nombreux parieurs n’arrivent plus à vivre leur passion comme ils le souhaitent.

Les yeux rivés sur l’écran de son smartphone, Mamadou Keita n’accorde que peu d’intérêt à la causerie qui a cours au sein de son grin de thé en ce début d’après-midi de samedi. Cela fait plusieurs minutes qu’il tente d’accéder à son portefeuille numérique. Le temps presse. Il veut placer des paris sur des événements sportifs et pour cela, il lui faut créditer son compte de la somme nécessaire. Après quelques tentatives de nouveau, il parvient à miser environ 500 francs CFA sur des matchs d’équipes réserve de football du championnat biélorusse. Quelques heures plus tard, le résultat tombe : sur la combinaison de 14 matchs composée, un seul match est perdu entraînant la perte de toute la combinaison et du gain potentiel de plus de 15 000 FCFA.

D’habitude, Mamadou Keita s’intéresse à des faits ou compétitions sportives majeures et en tire des revenus beaucoup plus importants. Mais la maladie à coronavirus a occasionné l’arrêt de ses activités. Depuis lors, le jeune parieur s’est rabattu sur des compétitions de moindre envergure tel le championnat de la Biélorussie. « Actuellement, je gagne en moyenne 15 000 à 17 000 FCFA, nettement en deçà de ce que je pouvais avoir mais compte tenu de la situation, c’est bon à prendre », relativise le parieur. A l’instar de Mamadou Keita, de nombreux Burkinabè passionnés des paris sportifs en ligne n’arrivent plus à jouer et gagner comme ils en avaient pris l’habitude. C’est le cas de Kassim Zampou, la trentaine. Il y a trois ans qu’il a découvert le pari sportif alors qu’il était employé dans un restaurant de la capitale. Kassim est un mordu du football et cette découverte lui donne la possibilité de vivre autrement sa passion. Après quelques jours d’initiation, il intègre sur les réseaux sociaux, moyennant des frais d’inscription, des groupes de parieurs plus expérimentés.

L’objectif est de bénéficier d’informations pouvant le guider dans ses paris. Mais il n’y trouve rien d’extraordinaire, selon lui, dans ce qui est proposé par les administrateurs encore appelés « bookmakers » dans le milieu. Une fois le mode de fonctionnement de ces « VIP » assimilé et ayant appris des astuces pour limiter les pertes, il décide de faire cavalier seul. La plateforme sur son smartphone propose un choix très varié de paris sur des disciplines sportives et de loisir mais il se contentera de quelques-uns. « Je pariais beaucoup sur le football et le basket. Je m’essayais aussi au tennis lors des grandes compétitions et également au hockey sur glace », confie-t-il.

Des gains substantiels

Passé le temps de balbutiement du débutant et des premières pertes, Kassim a le sourire aux lèvres après seulement deux semaines de pratique. « J’obtenais mon premier gain important d’une valeur de plus de 70 000 francs CFA », se rappelle-t-il. Contrairement à Kassim Zampou, Mamadou Keita a toujours utilisé les informations issues des nombreux groupes auxquels il appartient pour placer ses paris. Ici l’adhésion est gratuite, assure-t-il, et « entre nous membres de diverses nationalités, nous nous proposons des coupons (combinaisons) dans plusieurs disciplines car il y en a qui s’y connaissent bien en volleyball par exemple tandis que d’autres sont forts en basket ou encore en tennis ».

Et comme Kassim, Mamadou n’a pas attendu longtemps pour récolter les retombées du jeu auquel il joue depuis cinq ans maintenant. Il se souvient de ce dimanche heureux quelques semaines juste après avoir commencé lorsqu’à l’issue d’un match du championnat anglais, il empochait son premier gain de plus de 95 000 FCFA pour une mise d’un peu plus de 3000 FCFA. « Pour une première, c’était beaucoup de joie car on en oublie les pertes et en même temps, je n’ai pas osé l’annoncer à beaucoup de gens immédiatement », se remémore-t-il. Par la suite, les bons résultats se font de plus en plus réguliers pour les deux parieurs. Grâce à des combinaisons mieux élaborées, la valeur des avoirs aussi est décuplée.

« J’ai pu multiplier les gains de 50 000 à 75 000 CFA souvent pour moins de 300 FCFA de mise au point qu’à nos jours, sans avoir fait la sommation, je sais que j’ai eu au minimum plus du million », affirme Mamadou Keita. Kassim Zampou, lui, son plus gros lot en une mise, dit-il, a été plus de 300 000 FCFA à nos jours. A côté de ces deux férus du sport, l’on retrouve des parieurs comme Mariam Kaboré qui n’avaient aucun intérêt particulier pour le sport jusqu’à ce qu’ils découvrent la fameuse application. Il y a environ une année que Mariam s’est mise au pari sportif en ligne mais la jeune fille tire déjà son épingle du jeu dans lequel connaissance et chance vont de pair. « C’est beaucoup plus le gain qui m’intéresse et pour cela, j’ai opté de placer mes paris sur le football et le basketball. Pour des mises de 2000 FCFA, il m’arrivait de jouer deux voire quatre fois par semaine », explique-t-elle. Et son plus beau souvenir demeure une paie de 175 000 FCFA alors qu’elle avait misé une somme de 1250 FCFA.

L’impact du COVID-19

L’usage des sommes issues du jeu a laissé aux lauréats de bons souvenirs. « Avec mes premiers 70 000 FCFA, je me suis offert des paires de chaussures que je convoitais depuis un bon bout de temps. A chaque fois que je les regarde en tant que premiers fruits de ce jeu, j’éprouve un grand plaisir. En plus de cela, j’ai pu acheter des effets d’habillement à maintes reprises sans oublier les factures réglées grâce à ces entrées d’argent », témoigne Kassim Zampou. Mamadou Keita, lui, dit éprouver de la fierté d’avoir pu équiper sa maison en divers matériels grâce aux gains. Quant à Mariam Kaboré, c’est son nouveau téléphone qu’elle s’est octroyée qui lui procure beaucoup de joie. Mais depuis quelques mois, la situation des uns et des autres a beaucoup changé avec la suspension de nombreuses compétitions. Les plus résilients comme Kassim et Mamadou ont dû faire preuve d’adaptation pour continuer à parier. En lieu et place des disciplines habituelles, Kassim mise désormais sur le jeu de dé et de cartes. Et même si ses gains sont considérablement réduits, ils permettent de maintenir le plaisir. « Avec ce que je gagne à présent, je continue d’honorer une cotisation journalière de 1100 FCFA dans le cadre d’une tontine », confie-t-il. Pour Mamadou Keita, connaître le football a été déterminant dans l’aboutissement de ses paris. Il en veut pour exemple la « Premier league » où il faut savoir qu’il n’y a pas de logique.

« Le dernier au classement peut facilement battre le premier et il est rare que les matchs se terminent sans buts. Pour un match comme Watford contre Liverpool, je conseillerai de miser plus sur le nombre de corners. Si vous faites ce choix pour une cote de 4 ou 5 points et vous misez 15 000 FCFA, imaginez ce montant multiplié par le point de la cote », précise-t-il. Avec le coup d’arrêt, il s’est aventuré sur un terrain inconnu à savoir le championnat biélorusse. Mais là aussi, il a trouvé la parade pour disposer de données utiles. « Comme je ne maîtrise pas ces équipes, je fais des recherches sur Internet une ou deux heures de temps sur le championnat c’est-à-dire le classement, le nombre de cartons distribués en moyenne, le nombre de buts marqués et encaissés par les clubs sur lesquels je veux parier », indique Mamadou Keita. Mariam Kaboré, pour sa part, préfère attendre un retour à la normale pour renouer avec les paris. Pour le moment, tous souhaitent l’amélioration des services de dépôt et de retrait des fonds à travers les prestations des opérateurs de téléphonie mobile sur la plateforme pour leur permettre de continuer à profiter du jeu.

A les écouter, c’est surtout l’opération de retrait qui donne du fil à retordre aux gagnants. Les icones des applications ne s’affichent que de manière très aléatoire et momentanée, ce qui oblige à une veille permanente sur l’application. « C’est difficile mais je comprends que la logique, c’est de pousser les gens à remiser ce qu’ils gagnent et non à le retirer », note Mamadou Keita. En attendant, les occasions de remises ne manquent pas et de nombreux parieurs n’hésitent pas à tenter leur chance.

Voro KORAHIRE

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