Insécurité au Burkina: la filière lait menacée

L’Union nationale des mini-laiteries et producteurs de lait local du Burkina (UMPL/B) a organisé du 24 au 26 octobre 2019, à Ouagadougou, les 72 heures du lait local. Pour cette 5e édition, le thème était : « Un pastoralisme résilient pour du lait local : une réponse à l’insécurité et un facteur de développement durable».

Le secteur de l’élevage occupe une place importante dans l’économie du Burkina Faso. Selon le ministère des Ressources animales et halieutiques, le secteur de l’élevage rapporte 26% des recettes d’exportations et contribue pour 18% au PIB. Le pays dispose d’un cheptel assez important de 10 millions d’ovins, 9,7 millions de bovins pour développer sa filière laitière. Toutefois le secteur est aujourd’hui menacé à cause de l’insécurité croissante depuis 2015. C’est à la recherche de solutions idoines qu’ont été organisées les 72 heures du lait local par l’Union nationale des mini-laiteries et producteurs de lait local du Burkina (UMPL/B). Selon le président Adama Diallo, les 72 heures visent à promouvoir le lait local, à le valoriser. C’est un espace de dialogue politique de haut niveau qui permet aux organisateurs de construire des messages de plaidoyers, afin de résoudre les problèmes du moment. D’où l’importance du thème de cette année, « Un pastoralisme résilient pour du lait local : une réponse à l’insécurité et un facteur de développement durable».
Pour M. Diallo, il s’agit d’expliquer aux producteurs comment se sécuriser, sécuriser les moyens de production à travers une meilleure prise en compte de leurs préoccupations dans la lutte contre l’insécurité. A l’entendre, si ailleurs ce sont les villes qui sont en insécurité, au Burkina Faso, ce sont les campagnes où se trouvent la plupart des éleveurs. Depuis 2015, l’insécurité ne cesse de prendre de l’ampleur, notamment dans les régions du Nord, du Centre-Nord, du Sahel et de l’Est, fortes productrices de cheptel. Les pasteurs et les agro-pasteurs assistent, impuissants, à la destruction et au vol de leurs animaux. Les pâturages sont devenus inaccessibles et l’approvisionnement en aliment de bétail est quasi impossible. Face à cette menace, ils sont obligés d’abandonner leur troupeau ou de fuir vers les zones plus sécurisées.
Les conséquences sont énormes. « Beaucoup de pertes. A cause des déplacements, les animaux sont confinés dans des espaces de production. D’où un surpâturage et la crainte de créer ou d’attiser des conflits éleveurs-agriculteurs», s’inquiète le président. Et de poursuivre : « les éleveurs sont aussi victimes des attaques terroristes et pourtant ils n’inspirent pas confiance aux populations en ville. Parce que ce sont des gens qui vivent en brousse. Ils sont taxés de tout ».
C’est pourquoi, selon M. Diallo, les recommandations des 72 heures ont porté sur les types de collaboration civilo-militaires que les éleveurs doivent adopter pour se sécuriser et sécuriser leurs moyens de production. Au-delà, actionner des mécanismes d’accompagnement pour tous ceux qui ont perdu leurs moyens de production à cause de la crise. L’accompagnement des autorités et des partenaires du pays est indispensable. Pour lui, il suffit que le ministère de tutelle décrète une situation de crise et le système se mettra en place. Cette situation a un impact négatif sur la production de lait.

Consommer le lait local

Des laiteries, faute de matière première pour tourner, sont obligées de fermer. Encourager celles qui fonctionnent toujours est le leitmotiv de l’Union. Cette structure se bat comme elle peut pour accroître la consommation du lait local et de ses dérivés. Afin d’atteindre cet objectif, plus d’un tour dans son arc. Entre autres, ce message véhiculé qui dit qu’« en consommant le lait local, vous contribuez au développement de votre pays. En consommant le lait importé, vous contribuez au développement d’un pays développé », a confié le président de l’UMPL/B. «Il y a également la marque Faire Faso, un logo pour indiquer au consommateur que le produit est local et de meilleure qualité. Ce sont les laiteries qui produisent uniquement du lait local qui vont l’utiliser», a-t-il souligné.
L’Union mise sur des achats institutionnels pour permettre aux enfants de connaître le lait local de qualité. De même que des expositions-ventes des produits laitiers (fromage, beurre, yaourt, gapal, dèguè…), des dégustations gratuites afin que la population sache distinguer le goût du lait local de celui importé.
D’autres formes de difficultés ont été évoquées par les producteurs. Il s’agit du coût élevé de l’énergie, de la concurrence des produits laitiers importés. Leur transformation ne peut être dissociée de celle du lait local. Les deux types de produits se confondent même au niveau de certaines unités modernes de transformation. Boureima Sidibé, éleveur laitier et transformateur de lait local à Léna dans la province du Houet, déplore l’insuffisance de l’alimentation pour bétail et le manque d’eau pendant la saison sèche. « On est obligé de faire de la transhumance », affirme-t-il. Producteur depuis 2009, il parle également de la question de la sécurité foncière. « Beaucoup de nos partenaires éleveurs ont des difficultés à stabiliser leur bétail. Ils sont déguerpis régulièrement pour installer des champs», déclare-t-il. M. Sidibé, en plus, déplore l’existence des maladies dont la fièvre aphteuse qui a un impact négatif sur le bétail. « Quand celle-ci sévit, notre production chute de moitié (100 à 50 litres) », dit-il. Ben Sané de la laiterie la vache enchantée sise à Dapoya a, lui, insisté sur l’insuffisance du lait frais local en saison sèche. Toute chose imputable au manque de nourriture pour bétail et qui empêche sa structure de satisfaire ses clients désirant du yaourt, du « gapal » ou du fromage… S’il faut lutter contre les importations d’origine douteuse et faire la promotion de la filière lait, l’arbre ne doit pas cacher la forêt. Le lait local n’étant pas suffisant pour la consommation nationale, le pays décaisse beaucoup de devises pour en importer.
Le souhait des acteurs est donc de minimiser ce coût, en développant la production et la transformation internes.
Hazara Toé, promotrice de la laiterie Café Rio à Bobo-Dioulasso s’appesantit sur les difficultés d’approvisionnement en lait frais local. Spécialisée dans la fabrication de yaourt, elle pense que si on s’intéresse uniquement à ce type de lait, il faut s’attendre à une rupture des produits proposés. Conscient des difficultés que le secteur de l’élevage rencontre, notamment la filière lait, le ministère des Ressources animales et halieutiques entend dans le cadre de la mise en œuvre du Plan national de développement économique et social (PNDES), miser non seulement sur l’amélioration de l’alimentation, mais aussi sur la modernisation des infrastructures y afférentes.
Il est également prévu la réalisation ou l’agrandissement de laiteries.

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« Normalement, on doit s’informer sur la provenance d’un lait avant de le consommer »

Le lait est bon pour l’organisme. C’est un aliment complet comme on aime le dire. Pour avoir du lait de bonne qualité, Issa Sabo, qualiticien de formation membre de la Coopérative pour l’encadrement technique et distribution des produits locaux donne quelques conseils.

Quel est le rôle d’un qualiticien ?
Un qualiticien donne des conseils pour faire des produits de bonne qualité. Notre coopérative a pour objectif de former ceux qui veulent apprendre à transformer les produits locaux dont le lait.

Que faire pour avoir un lait de bonne qualité ?
Le lait peut véhiculer beaucoup de maladies comme la tuberculose, la brucellose. L’Homme peut en être contaminé par les animaux. C‘est pour cela, nous conseillons aux gens de faire la pasteurisation du lait. Un traitement thermique qui consiste à chauffer le lait à un degré plus élevé pour pouvoir détruire tous les microbes qui peuvent être nocifs à l’organisme. On utilise le système de bain marré pour faire la pasteurisation. Il consiste à utiliser l’eau pour chauffer le lait au moins à 90° pendant 5 minutes. La casserole contenant le lait est déposée dans une autre casserole contenant de l’eau sur le feu, pour éviter que les protéines ne se dénaturent ; ce qui peut jouer sur la qualité du yaourt. Il peut ne pas bien se fermenter. Ça peut donner un goût indésirable au produit fini.

Comment reconnaît-on un lait de bonne qualité ?
Difficile pour le consommateur de le connaître. Car sur beaucoup de produits laitiers, est mise l’image d’une vache. La ligue des consommateurs doit ouvrir l’œil. Normalement, on doit s’informer sur la provenance d’un lait avant de le consommer.

Quels conseils pouvez-vous prodiguer aux consommateurs et aux producteurs ?
De se rassurer que le lait qu’ils payent a été pasteurisé. Car une étude sur des supposés meilleurs laits du Burkina Faso a donné des résultats catastrophiques. Si tout le monde pasteurisait son lait, des maladies comme la fièvre typhoïde n’allaient pas autant sévir.
Nous conseillons l’hygiène. Bien nettoyer les mains et les ustensiles qui vont servir. Lorsque vous contaminez le lait de votre ferme, vous donnez beaucoup de travail aux transformateurs.
Quand le lait n’est pas trop chargé en bactérie, sa pasteurisation est plus facile. Pire vous mettez le consommateur qui prend cru votre produit en danger.
La question des ferments est une source de contamination très élevée ; nous conseillons de payer les fervents lyophilisés, faits en laboratoire avec des souches bien connues.
Pour faire un bon yaourt, il faut pasteuriser le lait en poudre. Eviter d’aller payer du yaourt à la boutique pour fermenter. Utiliser surtout les ferments lyophilisés.

Propos recueillis par H.W.