Avènement du coronavirus: A quelque chose, malheur est bon

La pandémie de la COVID-19 n’a épargné aucun domaine d’activité humaine à travers le monde. Ses conséquences sont désastreuses. Cependant, la crise sanitaire a donné la possibilité à l’humanité d’innover afin de vivre avec elle. Les techniciens du continent africain se sont également mobilisés dans la lutte contre cette maladie.

A quelque chose, dit-on, malheur est bon. Les Africains apprennent à être plus créatifs dans les moments difficiles. Les techniciens du continent sont, en effet, pleinement engagés dans la lutte contre la COVID-19. Respirateurs artificiels, drones, vêtements de protection, outils et applications numériques, engins robotisés, … ont été fabriqués en cette période de COVID-19. Le secteur du numérique est également en plein boom. Au Burkina Faso, « Diagnose Me » est porté par des jeunes de l’association « Faso Civic ». Il s’agit d’une application qui permet l’identification, le traçage et la mise en relation entre une personne malade et le personnel médical, pour contribuer à la limitation de la propagation de la maladie et une prise en charge. Aussi, le télé-enseignement, l’achat en ligne, le télétravail, entre autres, ont gagné du terrain pendant cette crise sanitaire. La digitalisation du continent est ainsi en marche. Sur la question, le journaliste-communicateur, Fabrice Guéné, trouve que le continent est en retard. « C’est un processus qui a été lancé depuis des années en Occident. Mais en Afrique, nous peinons un peu à suivre le pas, car nous sommes un peu conservateurs », lance le jeune Guéné. Néanmoins, le concepteur de la plateforme « l’école à la maison » reconnait que la crise sanitaire change la donne : elle oblige le continent à faire un bond en avant. A l’entendre, la création de sa plateforme en avril dernier relève d’un constat : « Nous nous sommes rendu compte que les élèves ont fait plus d’un mois sans se rendre à l’école. Sachant que l’année n’allait pas être blanchie (…), nous avons décidé d’apporter l’école à la maison, en créant l’école digitale. Elle permet aux élèves de créer un compte digital afin d’accéder gratuitement à des cours ». Les cours ont été écrits par un collectif d’enseignants, et certifiés par le ministère en charge de l’éducation, précise-t-il. Et de souligner qu’un collectif d’inspecteurs valide les cours avant qu’ils ne soient mis sur la plateforme. « Durant le mois de mai, l’opérateur de téléphonie mobile Orange a permis aux élèves de se connecter, même sans méga. Aujourd’hui, la plateforme est accessible à 100 F CFA », indique M. Guéné. Selon lui, la plateforme compte plus de 3 000 élèves inscrits et plus de 10 000 sont connectés par jour. « L’urgence a fait que nous avons commencé avec les classes d’examen. Mais, nous sommes en train de travailler à produire des contenus pour les classes intermédiaires », précise-t-il.

L’apport de la pandémie au supérieur

Au niveau de l’enseignement supérieur, la pandémie est également perçue comme un élément catalyseur. Des initiatives sont, en effet, prises afin de pouvoir dispenser des cours aux gros effectifs à l’Université Ouaga II. Le vice-président chargé des enseignements et des innovations pédagogiques, Pr Samuel Paré, par ailleurs professeur titulaire de chimie de l’environnement, donne des précisions : « (…) Nous avons travaillé à mettre en place un système. Pendant l’interruption des cours, nous (les universités) avons travaillé sous la conduite du secrétaire général du ministère en charge de l’enseignement supérieur pour développer des approches, à travers lesquelles on pourra donner des cours en ligne, même pour les gros effectifs ». L’enseignement à distance (en ligne) a toujours existé dans les universités publiques du Burkina Faso. « Au niveau de Ouaga II, nous avons l’Institut de formation ouverte à distance (IFOAD). A l’IFOAD, nous avons des apprenants à travers toute l’Afrique et hors du continent (…) et les enseignants sont également formés à l’utilisation des outils adaptés à cela, notamment comment interagir en ligne, mettre les cours à leur disposition », informe Pr Paré. Mais, cette pratique, de son avis, n’était pas dupliquée automatiquement aux gros effectifs. C’est là qu’intervient l’apport de la pandémie.
Ainsi, des enseignants ont été formés dans cette perspective. Le Dr Soumaila Bitibaly, enseignant-chercheur à l’UFR-SEG Ouaga II est un bénéficiaire. Avant d’apprécier la formation, il déclare sans ambages que « la COVID-19 est venue montrer la limite dans plusieurs domaines et montrer que nous avons des possibilités à changer notre manière de faire. Dans ce cadre, nous avons été initiés à des formations à distance ». Selon lui, la formation a permis de savoir le format sur lequel il faut mettre le cours et le temps mis pour le dispenser. « Nous avons également appris comment il faut échanger avec les étudiants, exactement comme si on était en classe. Quand quelqu’un veut parler, il se manifeste à partir d’un bouton et nous savons qu’un tel étudiant veut prendre la parole. Cela se fait de façon simultanée comme à l’amphi. Cette innovation est majeure », explique le docteur Bitibaly. Concernant les innovations, les enseignants ont accompagné le processus, selon le Pr Paré. Mais, il y avait des difficultés liées à la gestion des cours, à savoir la question du droit d’auteur. A ce titre, le directeur de l’UFR-SEG, Pr Noël Thiombiano, donne des explications : « Le problème que nous avons eu avec des collègues était la question du droit d’auteur des cours. Ces derniers vont poster les cours et nous ne savons pas où ils peuvent se retrouver. Dans l’enseignement, lorsque vous prenez un cours pour dispenser, cela n’est pas un plagiat. Le problème, ce sont ceux qui vont produire des documents avec votre cours pour les vendre, sans que l’auteur ne soit au courant. C’est ce qui a été le point d’achoppement avec des enseignants, sinon, ils connaissent bien les formations à distance ». Par contre, la formation des étudiants n’a pas pu se tenir, parce que la plupart d’entre eux ne disposent pas d’ordinateur. Les effectifs n’ont pas aussi facilité les choses. Selon le professeur titulaire de chimie de l’environnement, Samuel Paré, pour les formateurs, il fallait un maximum de 50 étudiants par classe pour une bonne formation en 24 ou 48 heures. Pourtant, à l’Université Ouaga II, les effectifs peuvent atteindre 4 000, voire plus en première année.

La connexion internet, un frein à la digitalisation

A entendre le vice-président chargé des enseignements et des innovations pédagogiques, Pr Samuel Paré, cette innovation au Burkina Faso doit être mise dans le contexte du développement de l’université virtuelle qui est en train d’être opérationnalisée.
« Elle va nous aider à rattraper les retards et normaliser les années, mais aussi délivrer les cours à temps », souligne-t-il. A travers cette innovation, le Dr Soumaila Bitibaly pense qu’il faut amener les enseignants à dispenser les cours selon les deux modes : en présentiel et sur la plateforme. « Je peux être en mission et être bloqué. J’ai accès à cet outil. Donc, j’informe les étudiants que je ne suis pas présent, mais je vais dispenser le cours sur la plateforme », explique M. Bitibaly. Quant au directeur de l’UFR-SEG, Pr Noël Thiombiano, il indique que le processus pourra aider les enseignants, surtout dans le système LMD où on connaît beaucoup de retard. Concernant les gros effectifs, dit-il, ce système a des avantages et des inconvénients. L’avantage, il permettait d’occuper les étudiants, ne pas les laisser dans l’oisiveté et de poursuivre les cours et les activités pédagogiques. « L’inconvénient est lié à nos moyens. Nous sommes dans un pays en développement où nous connaissons un problème lié à la connexion internet. Même si des opérateurs ont permis à des étudiants de se connecter à 0 franc CFA à cette plateforme », déplore-t-il. Les interlocuteurs sont unanimes que la connexion internet demeure un casse-tête chinois dans l’enseignement à distance. « C’est l’un des véritables freins à la digitalisation. La qualité des infrastructures disponibles en matière de fourniture d’internet et de connexion pose un véritable souci. Il y a aussi le coût de la connexion qui est encore hors de portée pour beaucoup », selon le journaliste-communicateur, Fabrice Guéné. Aux difficultés liées à la connexion internet, s’ajoute le matériel des étudiants. « Il faut au minimum un ordinateur ou un smartphone pour avoir accès à la plateforme. Combien d’étudiants ont accès à ce dispositif ?», s’interroge le Pr Thiombiano. C’est tout ce qui peut constituer un inconvénient, dit-il. A cet effet, le directeur de l’UFR-SEG loue le programme « Un étudiant, un ordinateur ». Certes, aux dires du Pr Paré, les cours en ligne vont aider à résorber les retards. « Mais tout cela doit aller de concert avec la correction de copies. Un enseignant peut se retrouver avec 4 000 ou 5 000 copies », souligne-t-il. Et de préciser que le ministère est en train d’œuvrer pour préciser comment tout cela va se faire.

Boubié Gérard BAYALA
gbayala@ymail.com

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Quelques innovations africaines

L’entreprise « FabLab » de Kisumu, la troisième ville du Kenya, a développé l’application « Msafari » (Safari signifie voyage en swahili), qui permet de suivre les déplacements des passagers des transports collectifs. Elle permet aux passagers qui prennent un minibus de transport collectif de s’identifier, en même temps qu’ils entrent le numéro d’immatriculation du véhicule. « Si l’un des passagers est testé positif, nous sommes en mesure de retrouver toutes les personnes qui se sont enregistrées et qui étaient à bord du véhicule », souligne Tairus Ooyi, un des responsables de « FabLab ». Au Ghana, des universités d’Accra et de Kumasi ont joint leurs efforts pour concevoir un respirateur coûtant entre 500 et 1 000 dollars (entre 250 000 et 500 000 F CFA), dont le montage ne prend qu’une heure. En Somalie, un étudiant de 21 ans, Mohamed Adawe, a inventé un accessoire facilitant la réanimation cardio-respiratoire. Le dispositif est composé d’un ballon autoremplisseur pressé mécaniquement, et relié au patient par un tuyau. Bien que cette machine ne soit pas aussi efficace que les ventilateurs dernier cri, elle permet d’éviter au personnel soignant d’avoir à ventiler manuellement une personne atteinte du coronavirus, et donc de garder ses distances pour limiter la propagation de la Covid-19. Le Rwanda utilise des robots humanoïdes dans les centres de traitement du coronavirus, pour minimiser les contacts entre humains. Ils sont notamment en mesure de prendre la température des patients.

B.G.B.

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La crise accélère le programme « Un étudiant, un ordinateur »

La crise sanitaire a donné un coup d’accélérateur dans l’exécution du programme du président du Faso, « Un étudiant, un ordinateur ». Car c’est au cours de la dernière année de son mandat que le Programme se concrétise sur le terrain. En effet, le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l’Innovation, Alkassoum Maïga, a remis, le jeudi 28 mai 2020 à l’Université Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou, les ordinateurs des premiers bénéficiaires du Programme. Ces appareils vont faciliter la prise des cours en ligne par un grand nombre d’étudiants. Pour bénéficier de ces ordinateurs subventionnés par l’Etat à hauteur de 60% avec une subvention plafonnée à 100 000 F CFA, l’étudiant en licence souscrit sur la plateforme « Campusfaso » et paie sa quotité qui s’élève à 40% du coût de l’ordinateur. Il a la possibilité de payer sa quotité au comptant ou de contracter un prêt avec la banque partenaire du FONER ou du CIOSPB.

B.G.B.