Mécanisation agricole au Burkina Faso : Un taux de 75% d’ici à 2025

Ces motoculteurs sont destinés aux producteurs

Le Burkina Faso est un pays essentiellement agricole. Mais la pratique agricole demeure archaïque. En vue de contribuer à la mécanisation de l’agriculture et d’améliorer la productivité, l’Etat a mis au point, depuis 2011, une stratégie de subvention du matériel agricole au profit des agriculteurs. L’objectif est d’atteindre un taux de mécanisation de 75% d’ici à 2025.


En cette matinée du 21 juin 2022, plus d’une dizaine de techniciens sont commis à la tâche de montage de motoculteurs, de tracteurs et autres matériels mécaniques destinés à l’agriculture.

Dans une cour qui s’apparente à un entrepôt, sise à Paspanga, un quartier de Ouagadougou, où est entassé un nombre très important de cet équipement, les petits plats sont donc mis dans les grands pour achever le travail de montage.

« Nous devons accélérer le processus du montage afin que la réception ait lieu au plus tard la semaine prochaine », lance le patron des lieux, Salif Tientika, par ailleurs Directeur général de la promotion de la mécanisation agricole (DGPMA). Tout en galvanisant les techniciens et techniciennes, il s’inquiète de la lenteur du travail.

Ce matériel entreposé, en cours de montage, sont des équipements agricoles, acquis par l’Etat burkinabè au profit des agriculteurs à des prix subventionnés. Sous la houlette du ministère en charge de l’agriculture, à travers la Direction générale de la promotion de la mécanisation agricole (DGPMA), la subvention de ces équipements au profit des agriculteurs qui a débuté depuis 2011, vise d’une part, à accélérer le processus de la mécanisation de l’agriculture et, d’autre part, à améliorer la productivité agricole au Burkina Faso, selon Salif Tientika.

Le montage des motoculteurs se fait par les techniciens de l’agriculture.

L’objectif global poursuivi à travers ces actions du gouvernement, de l’avis du DGPMA, est de parvenir à un taux de mécanisation de 75% d’ici à 2025. Tout comme les années antérieures, en 2022, ce sont des équipements motorisés et ceux à traction animale qui ont été acquis.

Le matériel motorisé se compose de tracteurs, de motoculteurs, de semoirs mécaniques, de batteuses et de « despatheuses ». Quant à celui à traction animale, ce sont des charrettes, des charrues, des semoirs manuels, des houes manga, si l’on en croit aux dires du DGPMA.

Il soutient que pour l’année en cours, ce sont près de 6000 équipements à traction animale, de 388 motoculteurs, près d’une trentaine de tracteurs, des batteuses et des vanneuses de riz de très grande capacité, des broyeurs polyvalents, des égreneuses de maïs et autres matériels qui ont été reçus.

M. Tientika indique que la quantité de l’équipement agricole acquise est fonction de leur dotation budgétaire annuelle. Cette dotation budgétaire en 2022, poursuit-il, est d’environ quatre milliards F CFA. Mais il rappelle que de 2011 à nos jours, ce montant a connu parfois une baisse. Et selon lui, cette baisse est imputable à la situation sécuritaire du pays.

Salif Tientika souligne que pour l’année 2022, le matériel est livré par deux fournisseurs qui ont obtenu le marché à la suite d’un appel d’offres. Ces fournisseurs font venir les équipements de la Chine et de la Thaïlande.

La répartition des équipements

Une partie du matériel est payée directement chez des fabricants burkinabè du fait de leur qualité qui est meilleure, selon lui. Il s’agit de l’équipement post-récolte que sont les batteuses, les égreneuses car, il est de meilleure qualité.

Le DGPMA, Salif Tientika, travaille à l’acheminement du matériel agricole.

Il ajoute que les machines et les outils qui viennent de l’extérieur arrivent par le port de Tema, au Ghana ou celui de Lomé, au Togo avant que des camions ne les convoient à Ouagadougou. Une fois à destination, des techniciens des deux fournisseurs et ceux de la DGPMA sont chargés du montage des machines avant la réception officielle. Parmi ces techniciens, Sandrine Compaoré.

Elle fait partie des quatre techniciennes supérieures d’agriculture mises à la disposition de la DGPMA. Après une formation de trois mois au Centre de référence de Ziniaré avec des chinois, raconte-t-telle, elle est apte au montage des engins lourds et légers. Et aussi, elle soutient avoir suivi des cours de montage à l’école d’agriculture, mais ses compétences ne se sont renforcées que sur le terrain.

« Ce matin, nous sommes en train de monter les motoculteurs. Ces temps-ci, nous commençons le travail à 7 heures et nous descendons à 18 heures car c’est une course contre la montre », confie Sandrine Compaoré. Au-delà, elle dit faire également dans la maintenance et la recherche dans ce domaine.

« La maintenance consiste en la réparation et l’entretien du matériel que nous voyons ici. Quant à la recherche, nous descendons sur le terrain pour échanger avec les bénéficiaires en vue de recueillir les difficultés qu’ils rencontrent ou des partages d’expériences », explique la technicienne qui dit se sentir dans ce milieu.

A la suite du montage, une cérémonie de réception aura lieu entre les deux fournisseurs et la DGPMA avant que le matériel ne soit réparti et acheminé vers les régions. La répartition par région, selon Salif Tientika, se fait en fonction des potentialités agricoles de chacune d’entre elles. « Nous prenons les résultats de l’enquête permanente d’agricole (EPA) de l’année, et nous appliquons une règle de trois.

Ensuite nous faisons la distribution en fonction de la production de la région », apprend-t-il. C’est sur la base de cette méthode, poursuit-il, que les régions de la Boucle du Mouhoun, des Hauts Bassins, du Centre-Ouest et de l’Est sont, respectivement, celles qui bénéficient de plus d’équipements que les autres.

Selon ses dires, ces régions sont considérées comme des greniers ou des zones de forte production agricole. Il affirme que c’est aussi dans les régions que se font l’identification et l’organisation de la remise aux bénéficiaires finaux, c’est-à-dire aux agriculteurs. Le patron de la DGPMA explique que le critère de choix des bénéficiaires se fait selon deux mécanismes.

Sandrine Compaoré fait partie de l’équipe du montage des motoculteurs et des tracteurs.

Il s’agit du mécanisme de distribution du matériel motorisé et celui des intrants et équipement agricole. L’identification des bénéficiaires tient aussi compte, selon lui, de la base des données du Recensement général de la population et de l’habitation (RGPH).

« De par le passé, dans chaque commune, on avait une commission d’identification des bénéficiaires qui était mise en place. Mais on s’est rendu compte que ce sont les mêmes qui bénéficient aussi bien des semences que du matériel. Pour éviter cela, nous utilisons désormais la base de données du RGPH sur laquelle nous avons exfiltré tous ceux qui ont déclaré qu’ils sont des producteurs agricoles et nous avons établi des critères de sélection », nous renseigne M. Tientika.

Il ajoute que la condition pour bénéficier d’un matériel ou équipement agricole est de disposer d’une superficie de moins de cinq hectares. Et ce sont ceux qui n’ont pas encore d’équipements qui sont exfiltrés et constituent une base de données de la DGPMA.

Il soutient par ailleurs qu’en fonction du nombre d’équipements disponibles, leurs services déconcentrés procèdent à un tir au sort.

« Ceux qui sont retenus à la suite du tir au sort reçoivent des sms leur signifiant qu’ils ont été retenus pour bénéficier d’une charrue. Mais auparavant, ils sont tenus de s’acquitter d’une somme forfaitaire par orange money avant de rentrer en possession de leur matériel dans l’un de nos distributeurs dans la commune où il réside», résume-t-il le processus d’acquisition du matériel à traction animale.

Contrairement à ce type de matériels dont la répartition se fait dans les communes, toujours selon Salif Tientika, ceux motorisés se font dans les régions où une commission de sélection, composée du directeur régional et de celui provincial en charge de l’agriculture, du point focal de la mécanisation, des faitières, de la municipalité…, identifie les bénéficiaires.

Pour lui, avant d’en arriver à cette étape, des programmes de micros projets sont faits en vue de l’identification du matériel souhaité et la distribution est faite en tenant compte du nombre de matériel attribué à la région. Ces personnes, des dires du DG, reçoivent par la suite des fiches de session avec lesquelles ils vont au trésor pour s’acquitter du montant de l’équipement avant d’entrer en possession de leur matériel.

De la subvention

En outre, il précise que les tracteurs ne sont attribuables que seulement aux coopératives et le matériel peut s’acquérir à crédit. Ces tracteurs sont subventionnés à hauteur de 50% par l’Etat. Et le prix, après subvention, varie entre 8 et 12 millions F CFA en fonction de la puissance du tracteur, à l’entendre.

Les broyeurs font partie du matériel de postproduction.

Pour les équipements à traction animale, la subvention est de 90% pour les femmes et 85% pour les hommes. « Pour la charrue à 9 pouces (CH9), une femme paye 9 000 F CFA et 11 250 F CFA pour l’homme », nous apprend M. Tientika.

Pourtant, le prix normal de cette même charrue sur le marché est de 95 000 F CFA. Il affirme par ailleurs que cette mesure en faveur des femmes part d’un constat général selon lequel en milieu paysan, la pauvreté à un visage beaucoup plus féminin. Malgré les efforts en vue d’atteindre les objectifs assignés à la DGPMA, son DG note des difficultés qui entravent le travail.

Au nombre de ces difficultés, il retient le retard dans l’acquisition du matériel. « Le matériel que vous voyez, devrait être réceptionné depuis le mois de février ou mars afin de permettre aux producteurs de les utiliser actuellement dans leur champ pour travailler.

Mais c’est finalement en fin juin que cet équipement arrive. Si à cette période de l’année, nous en sommes à l’étape de la distribution c’est que quelque chose a vraiment manqué », reconnait-t-il.

Mais il incrimine le système classique d’acquisition du marché public avec sa procédure d’appel d’offres, de dépouillement, de notification… « En 2021, nous avons eu des difficultés et il fallait attendre la loi rectificative adoptée en juillet pour lancer ces appels d’offres qui ont été conclus en octobre-novembre. », regrette-t-il.

Pourtant, son souhait c’est qu’à partir du mois de janvier ou février que les appels à concurrences soient lancés afin d’éviter les retards dans l’acquisition. Pour ce faire, « nous demandons aux techniciens du ministère en charge de l’économie et des finances de trouver des stratégies à proposer à celui en charge de l’agriculture qui fait face à des agriculteurs dont leur travail est conditionné par la pluie».

Des techniciennes à l’œuvre pour le montage du matériel agricole.

Malheureusement, fustige-t-il, la saison des pluies s’est déjà installée alors que nous sommes toujours à l’étape du processus d’acquisition de matériels. « Nous sommes dans un cercle infernal où chaque année tout arrive en retard aussi bien le matériel agricole que les intrants tout simplement parce que nous sommes dans un système qui ne nous permet pas d’être plus opérant, rationnel et efficient », regrette M. Tientika.

De plus, l’autre difficulté qu’il évoque est la multiplication du coût du transport et du matériel. Cette situation, il l’impute à la survenue de la maladie à Coronavirus.

Rabiatou SIMPORE

rabysimpore@yahoo.fr