Production du voandzou au Centre-Ouest : Regain d’intérêt pour une culture négligée

Dans le Boulkiemdé, la culture du voandzou est réservée aux dames

Le voandzou, encore appelé pois de terre ou pois bambara, fait partie des cultures orphelines au Burkina Faso. Malgré sa forte contribution à la sécurité alimentaire et nutritionnelle, il reste très peu valorisé. Généralement, sa production est assurée en majorité par les femmes sur de petites superficies. De nos jours, au Centre-Ouest, on constate de plus en plus un engouement autour de cette légumineuse, autrefois négligée.

Aminata Koanda, la quarantaine révolue, est une habituée de la production du voandzou à Pella, dans la province du Boulkiemdé, région du Centre-Ouest. Son amour pour cette spéculation dure depuis plus de 20 ans. Une culture qu’elle a héritée de sa mère et qu’elle perpétue avec abnégation. Parce que dans sa communauté, chaque femme doit disposer d’un pot de voandzou, communément appelé pois de terre, dans sa case. A Pella, sa production est généralement laissée à la gent féminine. Pour cette campagne agricole, Aminata a bénéficié d’un accompagnement de l’ONG Respublica pour mieux produire le Vigna subterranea (nom scientifique du voandzou). L’appui a consisté à lui offrir cinq kilogrammes (kg) de pois de terre et un demi-sac d’engrais NPK. Ce matin du 12 octobre 2022, la bénéficiaire est en train d’admirer sa parcelle de voandzou nichée au milieu des champs de mil et de sorgho de son mari. L’espace réservé à cette culture marginale ne dépasse guère 200 mètres carrés, alors que celui de l’arachide qui est juste à côté avoisine le double.

Les gousses sont à maturité. Dans quelques jours, elle compte passer à la récolte. Mais déjà, les espoirs de Mme Koanda commencent à s’amenuiser. Les fruits semblent être en déphasage avec les promesses des feuilles. Après avoir arraché quelques pieds, elle constate, avec un brin de dépit, que les gousses ne sont pas à la hauteur de ses attentes. Systématiquement, elle lie cette contreperformance aux aléas climatiques. Cette année, déplore-t-elle, la forte pluviométrie a eu un impact négatif sur bien des cultures. « Aux mois d’août et de septembre, mon champ de pois de terre était presqu’inondé. Or, cette légumineuse n’a pas besoin de beaucoup d’eau », affirme Aminata. Néanmoins, elle espère engranger près de 70 kg de voandzou à la récolte. Un Stock qui va lui permettre non seulement de satisfaire aux besoins de consommation de sa famille mais aussi de soutenir la scolarité de ses enfants.

Cette année, la forte pluviométrie a eu un impact négatif sur les rendements du voandzou

Marie Pelga Kaboré est la présidente du groupement Basnéré. Une structure de onze femmes basée à Pella et évoluant dans plusieurs domaines dont   l’agriculture. Ses membres sont toutes bénéficiaires de l’appui de l’ONG pour la production du voandzou. « Avant, Respublica nous soutenait avec la semence de niébé, mais cette année, elle a décidé de nous aider à produire le pois de terre », se réjouit la présidente. Bien qu’elle ne soit pas novice dans la production du voandzou,  Mme Kaboré reconnait avoir augmenté sa superficie grâce à l’appui de l’ONG.

Chasse gardée des femmes

Elle en a emblavé un demi-hectare pour cette campagne alors que d’habitude, elle en fait moins. Son souci majeur est que cette année, les excès de pluie ont détruit bon nombre de cultures dont le voandzou. Toutefois, se convainc-t-elle, le pois de terre est nettement plus bénéfique que le niébé, pour peu que les itinéraires techniques de production soient bien respectés. « Pendant la période de soudure, le plat (communément appelé yoruba) de voandzou s’est vendu à 2 000 F CFA sur le marché. Pendant ce temps, celui du niébé était à 1000 F CFA », mentionne Marie. La présidente du groupement Basnéré n’oublie pas non plus la qualité nutritionnelle du pois de terre ainsi que son apport conséquent aux revenus financiers des femmes. Pour elle, en plus de permettre de soutenir les élèves, le voandzou est un précieux aliment qui sauve les ménages au moment des travaux champêtres. Malgré tout, le pois de terre fait toujours partie des cultures négligées, occupant de petites superficies, majoritairement entretenues par des femmes.

Selon la présidente du groupement Basnéré, Marie Pelga Kaboré, le voandzou constitue l’identité de la femme à Pella

Marie Kaboré est formelle sur le fait qu’à Pella, la production du voandzou a un visage féminin. A l’écouter, ils sont rares, les hommes qui s’adonnent à cette production ou qui aident leurs épouses dans ce travail. Ils sont plutôt orientés vers les céréales. « Dans nos traditions, pour aller saluer des funérailles, chaque femme doit apporter des pois de terre. C’est une honte pour celles qui n’en ont pas », argumente Marie. Mais le véritable souci demeure l’acquisition des terres pour en produire, la femme n’en étant pas propriétaire. L’alternative pour elle, est le recourir soit à son mari, soit à un parent. Selon les agents d’agriculture de Pella, le cycle de production du voandzou varie entre 80 et 100 jours.

Assanata Sana est membre de l’équipe. Elle confirme que la culture du voandzou constitue la chasse gardée des femmes dans la commune. Mieux, affirme l’agent d’agriculture, cette spéculation fait partie des derniers choix des hommes. Alors qu’à l’écouter, le pois de terre reste une culture peu exigeante, réussissant sur presque tout type de sol, à l’exception des bas-fonds. Pour cette campagne, son service estime les superficies emblavées de voandzou dans la commune à 130 ha, pour un rendement attendu de 123,5 tonnes.

A l’image du groupement Basnéré de Pella, la coopérative Teel Taaba de Kalwaka, dans la commune de Soaw (province du Boulkiemdé), a également eu le soutien de l’ONG Respublica en semence de voandzou. De façon individuelle, chacune des 15 membres s’évertue à faire fructifier les 5 kg de graines reçus. En retour, chaque bénéficiaire devra rembourser 10 kg de voandzou. Selon la présidente, Téné Kondombo, sa coopérative a reçu une dotation en charrue de la part de l’Etat mais les animaux de trait font défaut. Cette situation, fait-elle remarquer, plombe les efforts des femmes à disposer de grandes parcelles de production. Membres de la coopérative, Mariam Kientéga et Pauline Kaboré ont vu leurs champs de voandzou visiter à plusieurs reprises par les agents d’agriculture de Soaw. Après avoir suivi les conseils et appliqué les techniques culturales recommandées, elles se disent confiantes quant à l’issue de la campagne. « Avant, je ne savais pas qu’on pouvait appliquer l’engrais dans un champ de pois de terre. Grâce aux agents d’agriculture, nous avons changé nos habitudes culturales », témoigne Mariam.

La présidente de la coopérative Teel Taaba de Kalwaka, Téné Kondombo : « nous sollicitons des animaux de trait pour augmenter nos superficies de voandzou ».

Dans la commune de Soaw également, la production du voandzou est l’affaire des dames. Beaucoup d’entre elles le produisaient en petites quantités, uniquement pour les besoins de consommation et de rituels. Selon le chef de Zone d’appui technique (ZAT) de Soaw, Thomas Zongo, parmi les légumineuses produites dans la commune, le voandzou occupe la troisième place, après le niébé et l’arachide. Sa superficie emblavée pour cette campagne est estimée à 103 ha, pour un rendement de près d’une tonne à l’hectare. M. Zongo dit constater un regain d’intérêt pour la production du voandzou ces dernières années.

Des hommes s’invitent dans la danse

A Bonyolo, dans la commune de Réo, province du Sanguié, Bamou Bayala se distingue en matière de production de voandzou. Il s’y attelle depuis une dizaine d’années. « Chez nous, on offre le pois de terre préparé aux travailleurs lors de la confection de briques, la construction de maisons ou du désherbage des champs », indique-t-il. Même si cette légumineuse n’occupe pas de grands espaces chez lui, il reconnait néanmoins qu’elle joue un rôle déterminant dans ses dépenses familiales. Puisque, selon lui, une partie de la récolte est parfois destinée au marché. D’habitude, M. Bayala se retrouve avec deux sacs de 100 kg à la fin de chaque campagne.

Cette année, malgré les caprices pluviométriques, il espère engranger plus avec son demi-hectare emblavé. A quelques encablures de là, Modéra Batiébo aide sa femme à entretenir leur petit champ de voandzou. Il dit s’adonner à cette tâche depuis l’enfance. Mais le manque de main-d’œuvre l’a contraint à réduire drastiquement la superficie réservée à cette culture. « Souvent, je peux gagner 10 tines de voandzou mais cette fois-ci, je n’en espère même pas cinq », regrette le sexagénaire. Pour lui, beaucoup d’hommes ont commencé à s’intéresser au voandzou à cause de son prix attrayant sur le marché, sinon dans le passé, sa production était l’apanage des femmes.

Selon les diététiciens, le voandzou contient des vitamines A et B, du magnésium, du calcium, du Zinc…

Ce n’est pas Lucien Bationo dit Lance, entrepreneur agricole à Ceboun, à une quinzaine de km de Réo, qui dira le contraire. Il est l’un des premiers hommes dans sa localité à produire le voandzou sur une grande superficie. De 0,25 ha l’année dernière, il est passé à un demi-hectare pour la présente campagne. Sa production attendue est d’environ une tonne. «De plus en plus, nombre de personnes s’intéressent au pois de terre parce qu’il coûte beaucoup plus cher que le mil, l’arachide ou le niébé. Le prix du plat (yoruba) va parfois au-delà de 2 000 F CFA », soutient M. Bationo. Pour lui, s’il y a un choix à faire entre le niébé et le voandzou, le deuxième va sans doute l’emporter.

A entendre le chef ZAT de Réo, Dramane Zerbo, la commune n’a pas un partenaire spécifique qui l’accompagne dans la production du voandzou. A cet effet, il estime la superficie emblavée pour cette culture marginale à 50 ha, alors qu’elle était de 45 ha la campagne précédente. Une légère hausse qui, à son avis, est due à l’arrivée de nouveaux producteurs dans les rangs. L’autre handicap des producteurs, selon le technicien supérieur d’agriculture, est lié à l’absence de semences améliorées de voandzou dans la dotation annuelle de l’Etat. A ce sujet, le président de la Chambre régionale d’agriculture (CRA) du Centre-Ouest, Madi Kondombo, estime que la recherche scientifique n’a pas beaucoup produit sur le voandzou, à telle enseigne que les gens mettent l’accent sur le niébé, le sésame ou l’arachide. « Il y a très peu de projets et programmes qui accompagnent le pois de terre, à l’image des produits forestiers non ligneux. C’est ce qui décourage les producteurs », souligne-t-il. Toutefois, beaucoup d’acteurs sont unanimes à reconnaitre que, même négligé, le voandzou est une culture qui a un bel avenir.

Mady KABRE